En Bretagne, une variété de milieux humides accueille une faune et une flore, parfois très spécialisées. Certaines espèces, dont l’état de conservation est préoccupant, vivent même exclusivement dans ces habitats aquatiques ou humides. De nombreux obstacles à l’écoulement pèsent encore sur la continuité écologique de cette trame bleue.
Quelles sont les caractéristiques des rivières en Bretagne ?
Au sein d’un cours d’eau, il y a une forte dépendance entre le milieu (la nature du fond, le type d’écoulement, la température et la qualité de l’eau) et les espèces qui y vivent. En Bretagne, cette dépendance s'exprime de deux manières. À l’ouest, les rivières souvent plus pentues sont vives et bien oxygénées. Leurs débits sont soutenus toute l’année par des pluies régulières et des eaux souterraines. À l’est, les rivières s’écoulent lentement et l’eau se réchauffe dans des paysages moins accidentés. La pluviométrie est moindre, surtout en été, et les débits peuvent même baisser de façon importante jusqu’à des étiages sévères. Les eaux souterraines participent également à l’écoulement, mais parfois le niveau de nappe descend sous le lit mineur du cours d’eau.
L'autre caractère particulier des cours d'eau bretons est qu'un grand nombre d'entre eux se trouve dans des bassins versants de petites tailles, isolés les uns des autres et sensibles aux grands changements climatiques. C’est ce qui explique le peu d’espèces de poissons d’eau douce en Bretagne au regard du reste de la Métropole - situation héritée des extinctions massives qui ont eu lieu lors des dernières glaciations. Le nombre d’espèces de poissons diminue d’ailleurs d’est en ouest, en raison d’un effet « péninsule », avec la taille des bassins versants et l’isolement géographique.
Quel est l'impact pour la biodiversité du contact quasi systématique des cours d'eau bretons avec la mer ?
Il favorise la présence de poissons grands migrateurs dont une partie du cycle biologique se déroule en mer et qui ont besoin de circuler entre le continent et l’océan. Au total, 7 espèces de poissons grands migrateurs fréquentent les eaux bretonnes, notamment le saumon atlantique et l’anguille européenne, qui sont les espèces les plus emblématiques.
Quels sont les écosystèmes liés à l'eau de la région ?
Parmi les écosystèmes aquatiques bretons, citons les nombreuses étendues d’eau où l’eau stagne plus qu’elle ne court. Le niveau de l’eau y évolue au fil des saisons - parfois jusqu’à l’assèchement. C’est le cas des mares naturelles ponctuant les paysages agricoles et forestiers et qui ont l’intérêt d’accueillir des espèces adaptées parmi la végétation aquatique et les invertébrés (libellules, etc.) ainsi que des amphibiens. C’est le cas également des plans d’eau artificiels plus étendus dont le rôle est majeur pour plusieurs espèces d’oiseaux nicheurs et migrateurs se succédant dans la région.
Dans les tourbières, l’eau sature les sols en permanence et le manque d’oxygène ralentit considérablement la décomposition de la matière organique. Elles sont souvent associées à des landes humides. Landes et tourbières couvrent de vastes étendues dans les monts d’Arrée, à Paimpont et dans les landes de Lanvaux. Il existe également des landes naturelles sur les falaises littorales et les dunes, où le vent empêche la pousse des arbres. Landes et tourbières accueillent une flore et une faune très spécialisées, capables de survivre dans des conditions naturelles difficiles.
Les plans d’eau artificiels favorisent néanmoins l’évaporation de l’eau et peuvent perturber la continuité écologique des milieux aquatiques.
Les vasières, les prés salés, et les milieux humides dunaires se nichent dans les nombreuses zones basses, les baies et les abers de la côte bretonne qui alternent avec des falaises rocheuses. La salinité y évolue de l’eau marine à l’eau douce, l'une étant soumise aux régimes des marées, l'autre à la pluviométrie. Les niveaux d’eau et la salinité peuvent changer très fortement au cours de l’année, jusqu’à l’assèchement total en période estivale. Vasières et prés salés occupent un rôle considérable dans le recyclage et la productivité vivante. Le pré salé a ainsi la même productivité par mètres carrés que la forêt équatoriale (2 kg/m²/an de matière sèche) ! De plus, elles sont très efficaces pour atténuer naturellement la force des houles et des vagues par leur effet de tapis-brosse immergé, contribuant ainsi à la protection naturelle du littoral.
Certains de ces secteurs humides sont étendus (par exemple les paluds de la baie d’Audierne) et accueillent des successions de communautés végétales riches et variées en fonction du niveau de la nappe phréatique et de la durée d’inondation. On y trouve des populations importantes d’oiseaux migrateurs. À ce titre, deux sites sont des zones humides d’importance internationale « zones Ramsar » : la baie du Mont-Saint-Michel et le golfe du Morbihan.
Huit sites en Bretagne reçoivent en hiver plus de 1 % de la population européenne de certaines espèces de limicoles et anatidés.
Pourquoi les indicateurs écologiques sur les espèces des milieux humides sont-ils préoccupants ?
Tous ces milieux humides sont essentiels à de nombreuses espèces ; ils servent d’étapes migratoires, de lieu de reproduction, d’abri, mais aussi de lieux d’hivernage et de nourrissage. Certaines espèces vivent même exclusivement dans les cours d’eau ou dans les zones humides. On dit qu’elles leurs sont strictement inféodées. Ces espèces, vulnérables au moindre changement spatial ou climatique, se portent moins bien que les espèces généralistes. La proportion d’espèces en état de conservation défavorable est plus grande chez les espèces inféodées aux milieux humides que celle des espèces généralistes, tout comme la part d’espèces menacées d’extinction à 10 ans.
- Aller plus loin avec des données spatiales et temporelles détaillées
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- Effectifs annuels et la répartition des oiseaux limicoles et anatidés hivernants en Bretagne.
- Évaluation des espèces en listes rouges régionales en Bretagne.
- Indices biologiques : analyse de l'évolution de la qualité des cours d'eau bretons depuis 2007.
- Peuplements piscicoles des cours d'eau bretons : analyse de l'évolution annuelle depuis 1978.
Qu'indiquent les peuplements de poissons ?
L’indice poisson rivière (IPR) est un autre moyen d’évaluer l’état de santé des cours d’eau. Il mesure l’écart entre un peuplement de poissons observé et un peuplement de référence théorique d’un cours d’eau de même type, dans des conditions pas ou peu modifiées par l’humain. 48 % des 165 sites de suivi sur les bassins versants bretons sont en « bon état » DCE en 2020, avec une tendance stable (51 % en 2007). Cependant, la part de stations en mauvais état (12 % en 2020) a doublé sur la même période.
Le réseau des points de suivi montre un fort contraste entre l’est et l’ouest de la région vis-à-vis de la qualité des peuplements : 25 % des stations évaluées en Ille-et-Vilaine sont évaluées en bon état, contre 71 % en Finistère.
Le nombre total d’espèces de poisson reste néanmoins modéré, ce qui indique une dégradation des milieux aquatiques. Cette dégradation se manifeste aussi par la présence d’espèces tolérantes et omnivores qui ont des exigences moindres en termes de qualité de l’eau et des habitats. Le saumon atlantique et l’anguille européenne sont les deux espèces les plus fréquemment identifiées dans les 337 pêches scientifiques d’inventaire (respectivement 60 % et 40 % d’occurrence) réalisées en 2020 dans les bassins versants bretons, mais les données comprennent de nombreuses pêches ciblant spécifiquement ces espèces.
Source : Naïades - OFB
Source : base de données ASPE - OFB
Une « trame bleue » dont la qualité écologique est intimement liée au cycle de l’eau
La qualité des milieux aquatiques repose sur l’intégrité des habitats naturels ainsi que sur leur interconnexion sur l’ensemble du bassin versant, de la source à l’estuaire. Le référentiel des obstacles à l’écoulement (ROE) identifie par exemple les seuils et barrages qui perturbent la circulation de l’eau, des sédiments et des espèces animales, certaines d’entre elles étant plus sensibles que d’autres à ces obstacles. Ce sont pour la plupart des structures inférieures à 2 mètres de haut, densément implantées sur les cours d’eau de la région. Leur hauteur et leur nombre sur certains tronçons des rivières peuvent constituer des obstacles pour l’ensemble des poissons, et surtout pour les grands migrateurs qui tentent de rejoindre les zones indispensables à leur grossissement et leur reproduction. Chaque espèce a besoin de rompre l’isolement génétique auquel peut conduire le fractionnement du cours d’eau. Ceci est un critère important de résilience des milieux aquatiques.
Beaucoup d’attentes gravitent autour des rivières car elles sont déterminantes dans l’aménagement du territoire. Une qualité et une quantité d’eau suffisantes sont indispensables au maintien d’écosystèmes riches et diversifiés, mais également pour répondre aux différents usages de l’eau. Dans une région où l’emprise humaine est forte, concilier ces usages tout en atteignant un bon état écologique des cours d’eau, tel qu’il est défini par la directive cadre sur l’Eau, constitue un véritable enjeu.