[1] Soif de Santé - ARS Bretagne (2018)
[2] Baromètre santé-environnement en Bretagne. Résultats 2014. Évolution 2007- 2014 - ORS (2015)
[3] Données : ARS Bretagne, 2018
[4] Données : assainissement.developpement-durable.gouv.fr ; Traitement OEB (2018)
[5] Enquête Eau 2008. Ministère de la Santé - ARS - Sise eaux
La gestion de l’eau potable, des eaux usées et des eaux pluviales est fortement liée au cycle de l’eau. D’une part, il nous faut une quantité suffisante d’eau brute de qualité pour produire de l’eau potable. D’autre part, la qualité de l’eau en aval de nos rejets d’eaux usées et d’eaux pluviales dépend de notre capacité à épurer ces eaux souillées avant qu’elles ne retournent dans les milieux naturels.
Pour produire de l’eau potable, on prélève en Bretagne environ 240 millions de mètres cubes d’eau brute dans les milieux naturels. Contrairement à ce qui se fait dans le reste de la France, les deux-tiers de cette eau viennent de la surface, et plus précisément de plus d’une centaine de sites de captage. Néanmoins, la part d’eau brute d’origine souterraine n’est pas négligeable. En effet, plus de 500 puits, forages et sources approvisionnent la région en eau brute, participant ainsi à la sécurisation de l’alimentation en eau potable [source 1].
Désormais, la ressource en eau brute exploitée pour la production d’eau potable est de bonne qualité en Bretagne [1]. En 2017, son niveau de conformité par rapport aux limites réglementaires était de 100 % vis-à-vis des nitrates et des pesticides, que ce soit dans les eaux brutes de surface ou souterraines. Mais il n’en a pas toujours été ainsi.
Volume d’eau brute annuel prélevé, soumis à redevances Agence de l’eau Loire - Bretagne
Qu'en est-il de la qualité de l'eau potable et de la conformité de la station d'assainissement collectif dans votre commune ? Accéder directement aux résultats du contrôle sanitaire réalisé par les Agences régionales de santé et à la situation de conformité des stations de traitement des eaux usées.
Une image persistante de mauvais élève
À la fin des années 1980, l’eau brute prise dans de nombreux bassins versants ne respectait pas la norme des 50 mg/l de nitrates. Une situation qui s’est parfois prolongée dans certaines zones jusqu’à la deuxième moitié des années 2000. Pour cette raison, la France a été condamnée par la Commission européenne. L’interdiction de boire l’eau du robinet et la fermeture de plusieurs sites de captage d’eau brute ont marqué les esprits sur cet enjeu de santé publique. Cette image de mauvais élève, bien que désormais imméritée, reste ancrée dans la conscience collective.
56 % des Bretons estiment encore que la qualité de l’eau au robinet constitue un risque pour leur santé [2].
Des périmètres de protection, déclarés d'utilité publique
Si la qualité de l’eau brute s’est améliorée, c’est grâce notamment à la mise en place de périmètres de protection autour des points de captages d’eau. La loi sur l’Eau du 3 janvier 1992 a rendu obligatoire les procédures de déclaration d’utilité publique, instituant ces périmètres. Au 23 juillet 2018, 94 % des captages d’eau brute bretons souterrains et superficiels disposaient d’un arrêté déclarant d’utilité publique leurs périmètres de protection (contre 77 % au niveau national) [1].
Souvent, les collectivités responsables du service public d’eau potable font l’acquisition des terrains situés au sein des périmètres de protection immédiats et rapprochés des captages d’eau. Cela leur permet d’effectuer des aménagements (talus, boisement et haies) et de garantir des pratiques (pâturage extensif, prairie sans intrant, etc.) permettant de reconquérir et préserver la ressource en eau brute. En cas de menace spécifique de cette ressource par les nitrates ou des pesticides, des programmes d’actions complémentaires peuvent être entrepris au niveau de captages dits prioritaires.
Il existe 56 captages prioritaires (21 superficiels et 35 souterrains), répartis sur le territoire breton en 2017 [3].
Les eaux de surface, plus complexes à traiter
Pour être distribuée au robinet, l’eau potable doit respecter des limites de qualité strictes. Ces dernières sont définies en application d’une directive européenne suivant, elle-même, les valeurs guides de l’Organisation mondiale de la santé. Du fait de leur origine majoritairement superficielle, les eaux brutes prélevées en Bretagne contiennent naturellement plus de matières organiques et sont plus vulnérables aux sources de pollutions. Ce contexte régional particulier explique la mise en œuvre de filières de traitement parfois plus complexes qu’ailleurs.
Un gigantesque réseau d'eau potable à gérer
Les infrastructures de production, de stockage et de distribution d’eau potable se sont fortement accrues, entre 1960 et 1980, en raison du caractère diffus de l’habitat breton et de l’augmentation de la population. Désormais, les réseaux d’eau constituent un maillage dense et vieillissant, représentant un patrimoine de 10 milliards d’euros dont la gestion est complexe. Cette gestion vise à traquer les fuites, entretenir et renouveler les portions de réseau qui le nécessitent. Le rendement d’un réseau d’eau est un indicateur utile pour évaluer les besoins d’intervention. Plus il est élevé, moins il y a de fuites d’eau.
Supérieur à la moyenne nationale (79 %), le rendement du réseau d’eau breton atteint 86 %, ce qui correspond à des pertes d’eau de l’ordre de 28 millions de m3, soit l’équivalent de plus de 10 fois la consommation d’eau annuelle des habitants de Lorient.
L'eau du robinet, surveillée de près
L’eau potable est l’aliment le plus contrôlé. 51 paramètres sont régulièrement mesurés dans l’eau distribuée au robinet. Parmi ceux-ci, les plus représentatifs sont la microbiologie, les nitrates, les pesticides, le chlore et la radioactivité. En 2017, la part de la population bretonne ayant reçu une eau potable conforme aux limites réglementaires de qualité est proche de 100 % pour tous ces paramètres. Certains écarts, mais toujours limités, sont apparus ces dernières années notamment pour les pesticides ou des sous-produits de la chloration [1].
Des exigences de plus en plus strictes pour épurer les eaux usées
Une fois utilisée, l’eau potable rejoint un autre réseau : celui des eaux usées, chargées de polluants issus des usages domestiques (cuisine, salle de bain et sanitaires). Avant de réintégrer les milieux naturels, ces eaux doivent être épurées pour ne pas provoquer d’altération chimique ou écologique des milieux récepteurs. En effet, la trop forte teneur en polluants physico-chimiques, toxiques ou microbiologiques a des effets dommageables pour la vie aquatique. Les matières en suspension peuvent par exemple gêner la photosynthèse (aggrave la turbidité de l’eau), envaser les fonds des cours d’eau, et colmater les branchies des poissons. Certaines formes de contamination peuvent générer une diminution de l’oxygène disponible pour leur survie (matières organiques, en suspension ou dissoutes) voire être toxiques pour la faune (ammoniac, nitrites).
La loi sur l’Eau de 1964 fixait déjà des normes de qualité pour les milieux récepteurs. Mais la directive Eaux Résiduaires Urbaines en 1991 a renforcé les exigences d’assainissement des eaux usées. Pour parvenir au bon état écologique des eaux, la Directive cadre sur l’eau de 2000 a imposé des contraintes de qualité de rejet encore plus sévères. Parallèlement à cette politique d’objectifs de qualité des milieux récepteurs, la police de l’Eau peut également assigner des droits de rejet plus contraignant à une station d’épuration.
Le niveau de conformité des systèmes d'assainissement
L’épuration de l’eau se pratique selon deux modes : d’une part, l’assainissement « collectif » lorsque l’habitat est groupé, raccordé au réseau public d’assainissement et équipé d’un système d’épuration traitant les rejets urbains ; d’autre part, l’assainissement « non-collectif » lorsque l’habitat est isolé et non raccordé à un réseau public de collecte des eaux usées. En Bretagne, bien que l’assainissement collectif domine, 30 % de la population [4] a recours à un système non-collectif ce qui est bien au-dessus de la moyenne nationale (18 %). Cela s’explique notamment par le caractère historiquement diffus du bâti. Un quart du parc d’assainissement non-collectif serait non conforme, contribuant en partie à la pollution microbiologique des eaux continentales et littorales. La pollution microbiologique de l’eau est responsable des déclassements de sites de baignade et des sites de pêche à pied, elle pénalise également l’activité conchylicole qui doit faire face à des interdictions temporaires d’exploitation.
Sur les 1 110 stations d’assainissement collectives de la région, 8 % ne sont pas conformes [4].
Pour juger du fonctionnement d’une station, on s’appuie sur sa performance et sur son niveau d’équipement. Une station conforme doit respecter des taux d’abattement par rapport aux concentrations en polluants qui y entrent, et des normes pour les concentrations en polluants qui en sortent. Elle doit également être équipée d’un système d’autosurveillance. Les résidus de l’épuration des eaux usées se présentent sous la forme de boues, mélange de bactéries mortes et de matière organique minéralisée, considérées comme un déchet. En Bretagne, 55 000 tonnes sont produites chaque année dont l’essentiel est valorisé soit par épandage sur des terres agricoles soit par compostage.
Les eaux pluviales : vers la fin des réseaux unitaires
Les réseaux de collectes des eaux de pluie ont été créés spécifiquement pour répondre à deux besoins : d’une part, gérer le caractère ponctuel et parfois intense des pluies ; d’autre part, protéger les milieux naturels des polluants et déchets que l’eau de pluie récupère en ville lorsqu’elle ruisselle sur des surfaces imperméabilisées (hydrocarbures, mégots de cigarettes, emballages plastiques, etc.). Lorsque les eaux usées et les eaux de pluie sont collectées dans le même réseau (appelé réseau unitaire), les stations d’assainissement sont engorgées en cas de fortes pluies, et le trop-plein se déverse directement dans le milieu naturel, sans avoir été épuré. Pour limiter ces risques de pollution, il est préconisé d’utiliser des réseaux séparés. Les réseaux unitaires résiduels représentent entre 1 à 15 % du linéaire du réseau de collecte des eaux usées en Bretagne [5].
Aujourd’hui, près de 90 % des agglomérations bretonnes ont mis en place des réseaux séparés.
Avec l’urbanisation croissante et les changements climatiques, la gestion des eaux pluviales dépasse la question de la qualité de l’eau. Elle concerne aussi la sécurité des personnes et des biens, ainsi que la santé publique. Gérer l’eau de pluie là où elle tombe offre aux pouvoirs publics l’opportunité de faire face à ces enjeux.
Le retour de l’eau en ville
Certaines collectivités bretonnes intègrent dans leurs choix d’aménagement et de gestion des eaux urbaines (noues, toitures terrasses végétalisées, bassins tampons à sec ou en eau, etc.) une réflexion approfondie sur les nouveaux usages de l’eau, notamment en matière de récupération des eaux de pluie ou du besoin de se rafraîchir ou de se ressourcer au bord de l’eau. Cette approche permet de considérer la thématique de l’eau dans la ville de manière plus globale à travers ses multiples dimensions (environnementale, paysagère, sociale et économique). C’est le grand retour de l’eau en ville.
On ne cherche plus à cacher l'eau ou à l'évacuer le plus rapidement possible mais au contraire, elle s'insère désormais dans les projets d'aménagement urbain.
Ces aménagements contribuent à réduire le risque d’inondation urbaine, à favoriser l’infiltration de l’eau de pluie et à préserver la qualité des eaux en améliorant la décantation de matières en suspension et notamment des métaux lourds. Ces solutions alternatives présentent d’autres bénéfices puisqu’elles favorisent la continuité écologique et la biodiversité mais aussi améliorent la qualité du cadre de vie des habitants et de leur santé (création d’îlots de fraîcheur, plus-value paysagère, espaces de ressourcements et création de nouveaux lieux de sociabilité). Une bonne gestion des eaux pluviales ne doit pas seulement être un défi pour les zones urbaines mais doit être associée à un projet de territoire, et notamment en zone rurale où les surfaces imperméabilisées prennent également de l’ampleur avec la construction de nouvelles voiries et de lotissements.