Données :
Consulter le site des DONNÉES OUVERTES de l'OEB : "Indicateurs climat futur TRACC pour la Bretagne"
Documentation :
- Cazenave et al. « Le niveau de la mer : variations passées, présentes et Futures » - La Météorologie - n° 88 - février 2015 pp. 68-81
- Fox-Kemper et al. , 2021, AR 6 Climate Change 2021 : The Physical Science Basis. Chapitre 9 : Ocean, Cryosphere and Sea Level Change. Contribution du groupe de travail I au Sixième rapport du GIEC, pp. 1211–1362
- Wöppelmann, G. et al. , 2008, « Tide gauge datum continuity at Brest since 1711 : France’s longest sea-level record », Geophysical Research Letters, 35, L22605
Une des conséquences principales du changement climatique est l’augmentation du niveau des océans. En Bretagne, cette élévation du niveau marin est déjà visible et contribuera au phénomène d'érosion des côtes dans le futur. Elle entraînera peu à peu une inondation permanente d’une partie des zones les plus basses, obligeant les habitants et les activités du bord de mer à s’adapter.
Pourquoi le niveau de la mer monte-t-il ?
Depuis les années 1850, les températures enregistrées à l’échelle mondiale augmentent. En 2020, le réchauffement climatique global s’élevait à environ 1°C au-dessus des niveaux préindustriels. Sans réduction drastique et immédiate des émissions de gaz à effet de serre, il est fort probable qu’il atteigne 1,5°C entre 2030 et 2035. Ces chiffres paraissent dérisoires mais suffisent à eux seuls à engendrer une montée des eaux. Les marégraphes et les données satellites montrent que sur la période 1901-2018, le niveau de la mer a augmenté de 20 centimètres en moyenne dans le monde. Deux phénomènes en sont majoritairement à l’origine :
- La quantité d’eau dans les océans augmente avec la fonte des glaciers et des calottes polaires (Groenland et Antarctique). Ces apports d’eau douce provenant des continents font monter le niveau de la mer.
- Le volume des océans augmente. Lorsque l’eau chauffe, elle prend plus de place : c’est ce qu’on appelle la dilatation thermique. Elle est responsable d’une grande partie de la hausse du niveau marin.
Deux autres phénomènes peuvent contribuer très légèrement à la variation du niveau de la mer. D’une part l’eau stockée dans les continents, sous forme de nappes souterraines par exemple, est puisée pour les activités humaines et, après utilisation, est relarguée dans les cours d’eau ou directement dans la mer. Ce qui peut causer une augmentation minime du niveau de la mer. D’autre part, les mouvements verticaux de la croûte terrestre peuvent aussi influer, de manière très localisée, sur le niveau de la mer mesuré. En effet, dans certaines parties du globe, notamment en Scandinavie, il y a un mouvement de remontée du sol, qui induit localement une baisse du niveau de la mer.
Le niveau de la mer présenté dans cet article est un niveau relatif, c’est-à-dire le niveau mesuré par rapport à un point de référence sur terre. (Source : Sciences à l’école)
Est-ce la première fois qu’il varie ?
À cause du mouvement des plaques tectoniques et de l’alternance climatique des périodes glaciaires et interglaciaires, le niveau de la mer a déjà varié, à la hausse et à la baisse, plusieurs fois au cours des temps géologiques. L’amplitude de ces variations a même déjà atteint plusieurs centaines de mètres. Alors pourquoi s’inquiéter de l’élévation actuelle du niveau marin ? Parce que contrairement aux variations précédentes, elle n’est pas d’origine naturelle et opère rapidement sans laisser le temps aux écosystèmes et aux sociétés humaines de s’adapter.
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La dernière période glaciaire a culminé il y a environ 20 000 ans, suivie par la déglaciation des calottes continentales, entraînant une augmentation du niveau moyen de la mer d’environ 130 mètres en 13 000 ans (soit 10 mm/an en moyenne). Cette période de forte montée des eaux s’est ensuite stabilisée jusqu’à l’ère industrielle. (Source : A. Cazenave et al. « Le niveau de la mer : variations passées, présentes et Futures » - La Météorologie - n° 88 - février 2015 pp. 68-81)
Depuis près de 4 000 ans, le niveau de la mer a atteint une sorte de palier progressant à la vitesse de quelques dixièmes de millimètre par an, en moyenne. Et puis, à la fin du XIXe siècle, la mer s’est mise à remonter plus vite, révélant ainsi l’impact planétaire de la révolution industrielle. Ainsi, sur la période XXe-XXIe siècle, elle est montée 20 fois plus rapidement que sur les 2000 années précédentes.
Source : A. Cazenave et al. « Le niveau de la mer : variations passées, présentes et Futures » - La Météorologie - n° 88 - février 2015 pp. 68-81
Comment surveille-t-on le niveau marin en Bretagne ?
Les variations du niveau de la mer sont mesurées à partir de capteurs que l’on appelle des marégraphes. En France, le SHOM est le référent national de l’observation du niveau de la mer. Il est l’héritier du premier service hydrographique officiel au monde, créé en 1720. Il collecte, contrôle, gère, exploite et archive les données marégraphiques. Ces observations sont en accès libre sous la forme de données ouvertes sur le portail data.shom.fr. D’autres organismes en Bretagne effectuent des relevés marégraphiques, par exemple le service Vigicrues ou EDF. La Bretagne compte aujourd’hui 15 marégraphes répartis sur son littoral, dont 9 observatoires appartenant au réseau RONIM, gérés par le SHOM.
SHOM : Service hydrographique et océanographique de la marine.
RONIM : Réseau d'observation du niveau de la mer
Que sait-on de la montée du niveau marin sur le littoral breton ?
L’eau monte en Bretagne. En témoigne le marégraphe de Brest, le plus ancien au monde, qui enregistre le niveau de la mer depuis 1711 dans le Finistère. Les mesures effectuées au cours des 300 dernières années par le SHOM indiquent une élévation d’environ 35 cm. C’est la plus ancienne série de mesures du niveau marin au monde !
Différentes méthodes d’observation du niveau de la mer se sont succédé à Brest depuis 1711. Lors des premières mesures le niveau de la mer était lu sur des échelles de marée, remplacées en 1846 par le premier marégraphe. Différentes technologies ont été utilisées : marégraphe mécanique puis numérique. Ces données sont corrigées afin d’obtenir une série temporelle homogène.
À Saint-Malo, où l’on dispose de mesures depuis la fin du XIXe siècle, le niveau a augmenté d’une dizaine de centimètres. Globalement, le marégraphe de Brest est représentatif des changements observés sur toute la côte bretonne, le niveau de la mer y augmentant de manière homogène.
La montée du niveau marin s’accélère sur le littoral breton et dans tout l’Atlantique Nord. À Brest, cette variation était d’environ + 1,30 mm/an entre 1890 et 1980, puis autour de + 3 mm/an entre 1980 et 2004. De 2004 à aujourd’hui, dans l’Atlantique Nord, le niveau de la mer s’est élevé à la vitesse d’environ 4 mm/an. Cette accélération devrait s’intensifier dans le futur, avec une vitesse de 5,9 mm/an sur la période 2080-2100, pour un réchauffement atmosphérique mondial de 3°C. A l'échelle mondiale, cette accélération est également bien perceptible, le niveau de la mer est monté de 20 cm en un siècle, on s'attend à ce qu'il monte de 20 cm dans les trente prochaines années.
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- Wöppelmann, G. et al. ,2008, « Tide gauge datum continuity at Brest since 1711 : France’s longest sea-level record », Geophysical Research Letters, 35, L22605
- Pouvreau, N. ,2008, « Trois cents ans de mesures marégraphiques en France: outils, méthodes et tendances des composantes du niveau de la mer au port de Brest »
- Outil Aviso : présente le niveau de la mer pour la zone Atlantique Nord à partir de données satellites
- Projections dans le futur : Outil Sea level projection tool de la Nasa, basé sur les données du 6e rapport du GIEC
Jusqu’où pourrait-il encore monter ?
Cette élévation millimétrique du niveau de la mer, d’environ 4 mm/an, semble avoir un effet dérisoire sur le littoral. La hauteur des surcotes engendrées lors de tempêtes est bien supérieure : 1,60 m à Brest au passage de l’ouragan du 16 octobre 1987 ou encore 0,78 m à Concarneau lors de la tempête Johanna du 10 mars 2008. Ces événements ponctuels de grande amplitude masquent les effets de l’élévation du niveau de la mer. Il faut cependant noter que la montée du niveau des océans se poursuivra tout au long du siècle, et même au-delà. D’après les données issues du 6ème rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), elle pourrait atteindre, à Brest, 73 centimètres en 2100, par rapport à la période de référence 1995-2014 [1], si les émissions de gaz à effet de serre ne diminuent pas et que l’on atteint +5°C de réchauffement mondial. Par rapport à l’année 2020, ce serait une élévation de 64 cm. Dans le plus optimiste des scénarios, c’est-à-dire un réchauffement de +2°C, le niveau augmenterait au minimum de 44 centimètres d’ici 2100 (par rapport à la période 1995-2014). Ce qui correspond à une montée de la mer de 35 cm par rapport au niveau actuel (2020).
Tous les phénomènes qui contrôlent la variation du niveau marin se produisent sur des échelles de temps longs et ont énormément d’inertie. Ainsi, même en réduisant nos émissions de gaz à effet de serre dès à présent, le niveau de la mer continuera d’augmenter pendant des siècles. Des travaux scientifiques récents indiquent que le niveau de la mer dépassera de manière inévitable les 2 mètres d’augmentation, que ce soit dans une centaine d’années ou dans 2000 ans. Il faut donc s’y préparer.
[1] Les données d’élévation du niveau de la mer issues du 6ème rapport du GIEC sont exprimées selon une période de référence 1995-2014. A partir de ces données, l’OEB a également calculé cette élévation par rapport à l’année 2020.
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Comprendre à quelle échéance l'élévation du niveau de la mer dépassera 2 mètres ? et comment s'y adapter avec la note d’orientation des projets PROTEC, COCLICO et SCORE (décembre 2022)
Sans remettre en question les mesures d’atténuation sur lesquelles elle s’est engagée, la France se prépare à s’adapter au changement du climat. Elle a défini une trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (TRACC) :
« Pour anticiper les effets du réchauffement climatique, deux scénarios de réchauffement ont été élaborés, sur la base des éléments fournis par le Giec. Dans un scénario aligné avec l’Accord de Paris, le réchauffement mondial sera limité à + 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle. […] Dans un scénario plus pessimiste, correspondant à la tendance probable en l’absence de mesures nouvelles selon les scénarios du Giec, il se stabilise à + 3°C en 2100. Ce scénario correspond à la poursuite des politiques mondiales existantes, sans mesures additionnelles. » (Source : Dossier de presse TRACC)
ImageDans le cas d’un réchauffement global de + 3°C en fin de siècle, le niveau de la mer à Brest augmenterait de 57 cm par rapport à 1995-2014, soit + 48 cm par rapport au niveau actuel (2020).
Élévation temporaire et anormale (non attendue) du niveau de la mer.
L’inertie d’un système est sa propriété à s’opposer à toute variation.
Le Conservatoire du littoral expérimente une gestion côtière souple en baie de Lancieux avec le projet Adapto. Ce projet est mené sur 10 territoires en France, pour s’adapter à la montée du niveau marin
Quelles sont les conséquences sur les risques côtiers ?
Quelle qu’elle soit, la montée des océans rehaussera les niveaux d’eau des tempêtes dans les décennies à venir. Les niveaux marins extrêmes (grande marée, surcote, houle) atteindront plus fréquemment le rivage, ce qui intensifiera l’érosion des côtes et augmentera la fréquence des submersions marines. Le changement climatique est donc un facteur aggravant de l’érosion du littoral, qui concerne aujourd’hui 6,2 % du linéaire côtier breton. Il est à prendre en compte dans la gestion du littoral et des aménagements côtiers. 93 communes en Bretagne sont répertoriées dans la liste nationale des communes concernées par l’érosion côtière. Pour cette raison, elles doivent identifier, dans leurs documents d’urbanisme, les zones d’exposition au recul du trait de côtes d’ici les 30 et les 100 prochaines années.
Toute la question reste de savoir si les zones littorales auront le temps de s’adapter ? Seule une réduction drastique des émissions de GES permettra de ralentir la montée du niveau de la mer.
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- Le Cerema et le BRGM ont réalisé un guide pour aider ces collectivités locales à cartographier l’évolution future du trait de côte en prenant en compte des scénarios de + 20 cm d'ici 30 ans, et 60 cm et 1 m d'ici 100 ans
- Bulletin 2024 du Haut Conseil Breton pour le Climat (HCBC) dédié au littoral breton face aux défis climatiques
Les submersions marines sont des inondations temporaires de la zone côtière
Que retenir ?
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On a observé à Brest une hausse du niveau de la mer d’environ 35 cm en plus de 300 ans. Cette hausse est représentative de la situation sur l’ensemble du littoral breton.
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L’augmentation du niveau de la mer s’accélère de plus en plus.
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Ce phénomène est directement lié à l’augmentation de la température atmosphérique causée par les gaz à effet de serre émis par les activités humaines depuis l’industrialisation.
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Cette hausse du niveau de la mer augmente les risques d’érosion et de submersion marine.
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