Les pesticides en Bretagne, pour qui, pour quoi ?

Par Élodie Bardon et Geoffrey Le Page (OEB)
en collaboration avec Florence Fernandez (Draaf Bretagne) Véronique Vincent (CRAB) Sarah Goyer (DIR Ouest)
Mise à jour : 18 novembre 2020
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eau
industrie
agriculture
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Photo oxalys

Les pesticides, qu’il s’agisse de produits biocides ou phytosanitaires, sont omniprésents. En Bretagne, comme en France, le recours aux traitements phytosanitaires s'est généralisé depuis l'intensification de l'agriculture ces 50 dernières années, et les ventes de ces produits ne cessent de croître depuis 2011. La loi limite progressivement l'usage des produits phytosanitaires de synthèse dans l'espace public, et a récemment interdit leur utilisation par les jardiniers amateurs. Les produits biocides quant à eux prennent une place importante dans nos habitudes de consommation et dans notre quotidien.

Le terme « pesticide » (du latin Pestis : fléau et Caedere : tuer) désigne une variété de substances actives, seules ou en mélange, agissant sur des organismes vivants (insectes, vertébrés, vers, plantes, champignons, bactéries) pour les éliminer ou les tuer, les contrôler ou les repousser, autrement que par action mécanique ou physique.

Les pesticides sont soit des substances artificielles issues de la pétrochimie, soit des substances présentes naturellement dans la nature (d’origine végétale, animale, microbienne ou minérale). Les pesticides dits « de synthèse » ne sont pas seulement des substances issues de la pétrochimie, mais regroupent l’ensemble des substances synthétisées en laboratoire ou usines, qu’elles soient naturelles ou artificielles.

Des usages multiples

Les pesticides peuvent être destinés à la protection des plantes ou au désherbage, dans un cadre agricole ou non. On parle dans ce cas de produits phytosanitaires (ou phytopharmaceutiques) [1]. Pour les autres usages (désinfection, démoussage, antiparasitaires, etc.), on parle de produits biocides [2].
Les usages des pesticides induisent une contamination de tout l'environnement (air, eau et sol), avec des mécanismes de dispersion complexes et des impacts sur la santé et les milieux.

Les biocides : dans l'industrie mais aussi à la maison

Le recours aux biocides s'est largement banalisé [3]. Ce sont, entre autres, les désinfectants, les produits de protection ou les produits de lutte contre les nuisibles à usage spécifiquement industriel (traitement du bois, désinfectants industriels, peintures anti-moisissures etc.) ou domestique (lutte anti-moustiques, lotion anti-poux, antiparasitaires pour chiens et chats, etc.).

photo plantation de salade

©Papirazzi | Depuis 2019, les jardiniers amateurs ne peuvent plus utiliser ni détenir la plupart des produits phytosanitaire.

La spécificité maritime de la Bretagne et les activités associées à la mer - comme la pêche ou la plaisance, par exemple - occasionnent un usage massif de peintures antisalissures (ou « antifouling ») destinées à empêcher les organismes aquatiques de se fixer sur la coque des bateaux, mais aussi sur d'autres installations immergées comme des hydroliennes. Ces peintures contiennent dans 90 % des cas des produits biocides [4].

Pour maintenir et améliorer le rendement des cultures

En agriculture, les produits phytosanitaires sont utilisés pour protéger des espèces végétales cultivées, généralement pour en améliorer les rendements mais aussi pour satisfaire à des exigences de qualité de l’industrie agro-alimentaire. Ils agissent sur les organismes nuisibles (animaux, végétaux, bactéries, virus, etc.) et les plantes adventices (végétaux ou parties de végétaux jugés indésirables et entrant en compétition avec les plantes cultivées pour la lumière et la nutrition minérale). Les produits phytosanitaires sont utilisés soit de manière préventive pour protéger la plante en empêchant que la maladie ne se développe, soit de manière curative pour traiter une maladie ou éliminer un organisme qui est déjà présent.

photo champ de blé

©Laurent Mignaux - Terra | Le traitement phytosanitaire des cultures est le type d’usage de pesticide le plus important.

Avec 62 % du territoire en surface agricole utile, dont plus de la moitié constituée de grandes cultures, l'agriculture bretonne consomme une très large quantité des produits phytosanitaires vendus sur le territoire. Les usages de produits phytosanitaires en agriculture sont essentiellement gouvernés par les pratiques (systèmes de culture plus ou moins spécialisés et intensifs), les conditions météorologiques plus ou moins favorables au développement des bioagresseurs, et l’état sanitaire des parcelles [5].

Pour entretenir espaces publics et jardins privés

La loi Labbé interdit depuis 2017 aux collectivités d’utiliser des pesticides chimiques de synthèse pour l’entretien des espaces verts, des forêts ou des promenades plus de 300 ha en Bretagne [6]. Depuis le 1er janvier 2019, cette interdiction s’est étendue aux jardiniers amateurs mais ne concerne pas les paysagistes professionnels. Les 1 439 cimetières et 12 829 équipements sportifs bretons sans accès libre au public sont les seuls espaces pouvant encore faire l’objet de traitements phytosanitaires chimiques de synthèse [7].

photo aérienne route

© Laurent Mignaux (TERRA - MTES) | Une politique d'entretien raisonné des dépendances routières est à l’œuvre depuis plusieurs années.

La direction interdépartementale des routes (DIR Ouest) qui gère 3 660 hectares de dépendances routières, a mis en place depuis plusieurs années une politique d'entretien raisonné de ces espaces. Elle repose sur des techniques, mécanisées ou non, de coupe ou d'élimination des végétaux sans utilisation de produits phytosanitaires, ainsi que les aménagements visant à éviter leur emploi ultérieur, tels que l'imperméabilisation des zones difficiles d'accès comme les terre-pleins centraux des routes à chaussées séparées. Les produits phytosanitaires chimiques de synthèse ne sont ainsi pratiquement plus utilisés pour l'entretien de ses dépendances routières aujourd'hui.

Des solutions alternatives sont également expérimentées pour le désherbage du réseau ferroviaire, indispensable pour des raisons de sécurité et qui implique aujourd’hui un usage massif de produits phytosanitaires.

Des alternatives aux solutions de synthèse

Les produits phytosanitaires de biocontrôle privilégient l’utilisation des mécanismes et interactions qui gouvernent les relations entre les espèces dans le milieu naturel. Ainsi, contrairement aux autres méthodes de lutte chimique, leur action est basée sur l'équilibre entres les espèces d'organismes indésirables plutôt que sur leur éradication. Ils comprennent :

  • des micro-organismes (champignons, bactéries, virus) ;
  • des médiateurs chimiques agissant sur le comportement des nuisibles (phéromones) ou de leurs prédateurs (kairomones) ;
  • et des substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale (exemple : soufre).

Les produits de biocontrôle sont pour la plupart utilisables en agriculture biologique (AB). Ils sont aussi régulièrement utilisés dans des systèmes non AB cherchant à réduire leur usage de substances artificielles et peuvent également être utilisés dans l'espace public.

Les produits phytosanitaires de biocontrôle présentant la mention « emploi autorisé dans les jardins » ne sont pas concernés par l’interdiction fixée par la loi Labbé, et sont toujours disponibles pour les jardiniers amateurs (exemple : anti-limaces à base de phosphate ferrique).

photo Emmanuele Savelli
Emmanuèle Savelli
Cheffe du pôle communication
Pôle communication
02 99 35 45 83
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Timothée Besse
Chef de projet Eau
Pôle nature & paysages
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