Documentation :
- Guittet Caroline, 2016, Pour une meilleure intégration des Observatoires photographiques du paysage dans la gouvernance territoriale (exemple de la région Bretagne), Rennes, Université Rennes 2, 836 p.
- Bertho R., (dir.), Bailleul H., Bectarte H., Chauvet G., D’Andréa N., Gagnebien A., Guittet C., Greffier L., 2014, Mon Paysage au quotidien, une pratique ordinaire ?, Rapport de recherche (MICA-ADESS-ESO) pour le MEDDE, 156 p.
- De Beaulieu François, 2017, Landes de Bretagne, un patrimoine vivant, Châteaulin, Locus Solus, 160 p.
Selon le lieu de vie, les Bretons et les Bretonnes n’ont pas les mêmes représentations paysagères. Entre ville et campagne, la différence est flagrante.
Les paysages perçus sont interprétés par des filtres individuels liés au parcours de vie et aux expériences sensibles de chaque individu, combinés à des filtres collectifs issus de la société qui sont exprimés notamment par la culture. Nous appréhendons les paysages par nos représentations individuelles et sociales. C’est à partir de nos représentations que nous agissons ; et selon les époques, nos représentations évoluent.
Que pensent les habitants d'Ille-et-Vilaine de leurs paysages ?
En 2013, le département d’Ille-et-Vilaine a réalisé une enquête sur les paysages auprès des Brétiliens. Cette enquête par questionnaire a été réalisée auprès de 736 habitants dans le cadre de l’Atlas des paysages d’Ille-et-Vilaine. Pour la plupart des habitants, le paysage d’Ille-et-Vilaine est construit, et s’inscrit dans un relief vallonné où l’eau et le bocage sont présents. Les habitants issus des pôles urbains considèrent que les paysages sont peu diversifiés en Ille-et-Vilaine. Et plus on s’écarte des lieux à forte concentration humaine, plus les habitants estiment que les paysages sont d’une grande variété. On peut supposer que les habitants de la campagne disposent de connaissances et de vocabulaire qui leur permettent d’identifier des nuances de paysage agraire que ne perçoivent pas les citadins. Les paysages urbains et péri-urbains sont peu présents dans les discours des habitants, hormis sur les grandes tendances d’évolution. En effet, la plupart des répondants considèrent que les paysages ont changé avec le développement croissant des logements et des zones commerciales ou d’activités.
Qu'est-ce qui nourrit les représentations sociales paysagères des Breton·nes ?
Ce constat, de l’absence dans les représentations des paysages urbains et périurbains, se confirme avec les photographies de Breton·nes réalisées dans le cadre du concours national « Mon paysage quotidien, la France vue par ses habitants » en 2013 (308 photographies représentent des paysages bretons). En effet, les photographies de la Bretagne mettent en avant les motifs récurrents de l’imagerie touristique. Les paysages littoraux sont largement représentés. 26 photographies sont réalisées dans le Finistère dont 19 prises de vue focalisent sur les paysages littoraux. Sept photographies sont effectuées dans l’arrière-pays ; elles donnent à voir des sites chargés d’histoire (forêt d’Huelgoat, le Mont Saint-Michel de Brasparts). Les paysages urbains, ruraux et des centres-bourgs sont absents dans cet échantillon.
Les représentations sociales des Breton·nes montrent, finalement, à travers ces quelques exemples, une vision territoriale archétypale et idéalisée des paysages. La relation entretenue avec les paysages est symbolique laissant de côté les marqueurs contemporains du quotidien : centre commercial, éolienne, porcherie, parking, etc.
Comment s'est construit l'imaginaire collectif sur les paysages bretons ?
Un imaginaire collectif sur les paysages bretons s’est construit à partir des représentations culturelles et artistiques depuis le début du XIXe siècle. La peinture, les cartes postales, les guides touristiques, les textes littéraires ou encore le cinéma véhiculent des imageries qui ont imprégné les représentations individuelles et sociales des populations. Dans le cadre de l’atlas des paysages du Morbihan, les guides touristiques, les peintures et les cartes postales sont étudiés sur l’ensemble du département. Premier constat généralisable à l’échelle de la Bretagne, les paysages côtiers sont les plus représentés. Au XIXe siècle, la vision du littoral est romantique (tempête, mer déchaînée, rocher déchiqueté), elle devient calme et douce avec l’essor des stations balnéaires au milieu du XXe siècle (port, plage, pin maritime). Les films tournés en Bretagne montrent aussi des paysages de mer. L’atlas des paysages d’Ille-et-Vilaine les a étudiés : La cérémonie de Claude Chabrol (1995), Conte d’été d’Eric Rohmer (1996), etc.
À l’inverse, les paysages intérieurs sont moins diffusés, ou s’ils le sont, ils participent à la création d’une « Bretagne pittoresque ». Avec l’âge d’or de la carte postale dans le premier quart du XXe siècle, villes et villages sont photographiés et des motifs récurrents apparaissent : rue, place de l’église, chapelle, foire, marché, calvaire, clocher, etc. Comme le décrivent les trois atlas départementaux, les paysages « naturels » et « agricoles » sont les grands absents de l’imagerie culturelle à quelques exceptions près.
Encore aujourd’hui, les représentations paysagères sont idéalisées, les motifs contemporains (éoliennes, routes, centres commerciaux, etc.) sont hors cadre.
Les œuvres d’Yvonne Jean Haffen (1895-1993) et de Lucien Pouëdras (1937- ) s’intéressent aux paysages ruraux et donnent à voir les pratiques agricoles en Bretagne.
Que retenir ?
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Un imaginaire collectif sur les paysages bretons s’est construit à partir des représentations culturelles et artistiques depuis le début du XIXe siècle.
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Les représentations paysagères – peintures, cartes postales, guides touristiques, textes littéraires, cinéma – véhiculent des imageries qui ont imprégné les représentations individuelles et sociales des populations.
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Les paysages côtiers sont les plus représentés, comme motifs récurrents de l’imagerie touristique.
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Les représentations paysagères donnaient une vision romantique du littoral au XIXe siècle (tempête, mer déchaînée, rocher déchiqueté), puis devient calme et douce avec l’essor des stations balnéaires au milieu du XXe siècle (port, plage, pin maritime).
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Encore aujourd’hui, les elles sont idéalisées, les motifs contemporains (éoliennes, routes, centres commerciaux, etc.) sont hors cadre.
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Les représentations sociales des Breton·nes montrent une vision territoriale archétypale et idéalisée des paysages.