Soutenir la restauration des milieux aquatiques en Bretagne : comment organiser la collecte de données ?

Par Emma Caillon (OEB)
en collaboration avec Timothée Besse (OEB) Bruno Liminier (Département d'Ille-et-Vilaine) Anthony Coudart (Eau & Vilaine)
Mise à jour : 18 septembre 2023
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2
eau
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Sommaire de l'article
Sources

Conseil départemental d'Ille-et-Vilaine, EPTB Eau & Vilaine, structures animatrices de SAGE en Ille-et-Vilaine. Traitement des données OEB.

Les données sur l'eau en Bretagne

Un dictionnaire de données commun, définissant les opérations de restauration des milieux aquatiques, et un outil commun de saisie SIG ont été déployés sur le département de l’Ille-et-Vilaine en 2022. Cette initiative vise à assurer une collecte homogène et pérenne des données de restauration des milieux aquatiques afin de rendre compte de l’ambition portée par les territoires et les acteurs. Ce travail est porté par le Conseil départemental d’Ille-et-Vilaine et Eaux & Vilaine.

Restaurer les milieux aquatiques

La restauration des milieux aquatiques vise la restauration de la qualité de l’eau, l’amélioration du grand cycle de l’eau par le ralentissement des écoulements et le maintien des débits en période d’étiage ou de sécheresse. L’objectif de ces travaux est de restaurer les milieux dégradés par les usages et l’aménagement du territoire, mais aussi d’assurer le retour des fonctionnalités naturelles des milieux aquatiques.

Les travaux peuvent être de diverses natures : il peut s’agir de travaux sur le lit mineur, directement sur le cours d’eau, sur les ouvrages hydrauliques transversaux, qui peuvent bloquer la libre circulation de l’eau, des sédiments ainsi que la continuité écologique. Les travaux peuvent aussi avoir lieu en dehors du lit, sur les berges ou les zones humides environnantes. Les milieux aquatiques sont un ensemble complexe, interconnecté et fragile dont dépendent de nombreuses espèces animales, végétales mais aussi les activités humaines (santé, accès à la ressource en eau…).

Méandre de rivière après travaux de restauration

Crédit photo : Timothée Besse. Remise dans le talweg et reméandrage de la Flume à Génezé (35) - Visite après travaux (11/04/2023)

Collecter la donnée

Pour connaître et accompagner l’action des territoires

Les territoires menant des travaux de restauration produisent et organisent la donnée à l’échelle de la gestion des programmes d’action (syndicat de bassin versant, collectivité GEMAPI, etc.). Elle est souvent difficile d’accès au-delà de l’échelle technique. La collecte de données à l’échelle supérieure, départementale ou régionale, permet avant tout de palier à un manque de connaissance de ces actions par les gestionnaires et les financeurs à cette échelle. Cela permet notamment de mettre en place un meilleur suivi des actions menées. Une meilleure connaissance des milieux aquatiques et des travaux réalisés permet aussi aux acteurs de terrain d’adapter au mieux la stratégie de restauration.

Pour mieux la transmettre

Une harmonisation est indispensable pour assurer la sécurisation des données saisies par les différents acteurs. Les recrutements sont fréquents chez les techniciens de milieux aquatiques et le suivi de l’information doit être assuré au-delà de l’individu. Par une saisie homogène, la structure de la donnée reste la même et l’information peut facilement être réutilisée. Au sein d’un même territoire, il s’agit aussi d’assurer la libre circulation de l’information d’un utilisateur à l’autre sans faire face à une disparité de l’information disponible. Des formats de données très hétérogènes peuvent aller d’une simple information dans un tableur à une base de données complexe en passant par la présence ou non d’informations géographiques. Cela rend complexe voire impossible la comparaison des informations et celles-ci restent bloquées au niveau technique qui les ont créées.

Pour mieux la valoriser

Les travaux de restauration nécessitent des moyens financiers importants et doivent donc être mis en valeur pour illustrer l’ambition des différents territoires d’améliorer l’état des milieux aquatiques.

Valoriser les actions menées, c’est aussi mettre en valeur le travail réalisé par les techniciens de milieux aquatiques. De gros moyens techniques sont en effet investis. Il s’agit d’attirer l’attention sur ces travaux réalisés chaque année et qui jouent un rôle essentiel pour le retour au bon état écologique des masses d’eau.

Par une valorisation efficace, il s’agit de rendre accessible l’information et de permettre la compréhension des enjeux environnementaux liés aux milieux aquatiques. Différentes échelles sont concernées : les élus, les collectivités, le grand public. Un travail de sensibilisation est plus pertinent s’il est illustré de chiffres exhaustifs et concrets. 

Berceau et SYSMA, deux projets pour organiser un système d'information sur les travaux de restauration des milieux aquatiques

Un dictionnaire commun

Afin d’obtenir un jeu de données homogène sur les travaux réalisés pour la restauration des milieux aquatiques bretons, un dictionnaire de données commun a été mis en place. Celui-ci permet d'identifier et de définir chaque type de travaux afin que tous les acteurs saisissent des données comparables. Ce dictionnaire de données a été établi collectivement dans le cadre d’un projet de recherche : le projet BERCEAU [1]. Terminé en 2022, ce projet regroupait le Centre de ressources et d'expertise scientifique sur l'eau en Bretagne (CRESEB), des chercheurs, des représentants de la région Bretagne et des départements d’Ille-et-Vilaine et du Morbihan, des gestionnaires de données et des techniciens de milieux aquatiques.

Les données sont ainsi structurées sur la base d’objets de travaux auxquels sont associées des actions menées. Un glossaire permet de définir précisément ces actions et leurs attributs.

Le dictionnaire commun a été défini pour être interopérable avec le dictionnaire déjà déployé sur le Morbihan par le Conseil Départemental.

[1] Lire aussi : La bancarisation des opérations de restauration (CRESEB, 2022)

Utilisation et évolution du dictionnaire

Un travail préalable important, au cours du projet BERCEAU, avait déjà permis d’établir une ligne d’utilisation et des termes étant les plus adaptés possible, seule l’utilisation permet ensuite de déceler les nouveaux besoins. En effet, pour que celui-ci conserve son utilité, il se doit de rester adapté aux besoins des utilisateurs. Pour cela, des rencontres fréquentes sont mises en place pour assurer un suivi des besoins et discuter des termes illustrés dans le dictionnaire de données. Il s’agit avant tout de conserver la dynamique de groupe et de communication sans que chaque utilisateur aille adapter le dictionnaire pour ses propres besoins. Afin d’éviter des versions trop fréquentes et une lourdeur dans l’utilisation du dictionnaire de données, celui-ci doit plutôt être adapté à la marge. Il s’agit d’instaurer des limites acceptables de modifications puis d’assurer la transmission de celles-ci.

Consulter le dictionnaire de données sur le répertoire de développement GitLab de l'OEB

Le webSIG SYSMA

L’outil SYSMA [2] est un WebSIG disponible en Open Source qui permet la saisie collaborative de données géographiques par différents opérateurs. Il a été développé par l’EPTB de la Sèvre-Nantaise et il est aujourd’hui déployé dans une quinzaine de structures sur le Grand Ouest.

SYSMA permet de répondre aux impératifs de collecte homogène de données en complétant une base de données (Postgre-PostGis) via un dictionnaire importé ou défini dans l’outil. SYSMA est particulièrement adapté à la bancarisation des données de travaux par les techniciens de rivière.

[2] Lire aussi : Sysma, un webSIG open source simple à déployer et à utiliser

Un outil de saisie commun indispensable ?

Le travail de bancarisation réalisé en Ille-et-Vilaine entre 2022 et 2023 a permis de souligner que le partage d’un outil commun n’était pas un point suffisant à une collecte de données efficace. C’est le dictionnaire de données commun qui assure la continuité du travail de saisie.

L’outil SYSMA est particulièrement intéressant pour les territoires à la recherche d’un outil efficace pour saisir et collecter tout type de données géographiques via différents utilisateurs. L’acquisition d’un nouvel outil et d’un nouveau fonctionnement est un exercice complexe, nécessitant du temps et l’adoption par les acteurs de terrain. La transition vers un fonctionnement en base de données est longue mais essentielle pour assurer le suivi des actions menées sur les différents territoires. Il ne s’agit pas d’imposer un nouvel outil à un territoire possédant déjà un processus défini de collecte de données mais plutôt d’accompagner les territoires dans cette dynamique de collecte.

Retour d'expérience sur le département d'Ille-et-Vilaine

Déploiement en Ille-et-Vilaine

Entre le printemps 2022 et le printemps 2023, a eu lieu la première année complète de saisie des données de restauration. Ce sont les techniciens de milieux aquatiques eux-mêmes qui se chargent de renseigner les travaux qui ont été effectués au cours de l’année. Ils utilisent SYSMA dans une volonté d’homogénéiser le même outil sur tout le département et ainsi mutualiser les compétences.

Ce travail a été mené en se centrant sur le département de l’Ille-et-Vilaine où deux instances SYSMA ont été mises en place. La première, gérée par le Conseil Départemental, regroupe les territoires de SAGE au Nord du département (Couesnon, bassins côtiers de Dol de Bretagne, Rance Frémur Baie de Beaussais et Sélune) et la seconde, administrée par Eaux & Vilaine, prend en compte le territoire géré par l’EPTB. Deux bases de données sont ainsi complétées selon le même plan par les différentes structures qui agissent sur les milieux aquatiques au niveau du département de l’Ille-et-Vilaine.

Des formations ont été mises en place afin d’assurer l’accompagnement technique des acteurs de terrain.

Mutualisation et valorisation des données

Un travail de diagnostic des données saisies dans les différentes bases de données déployées sur le département a été réalisé pour étudier la faisabilité et la mise en place d’une mutualisation entre plusieurs formats de données répondant au même dictionnaire de données [3].  Les données collectées ont permis d'identifier les points d’amélioration de la collecte et d’illustrer l’ambition de l’ensemble des acteurs évoluant autour de la question des milieux aquatiques.

L’objectif est aussi de mettre en lumière les travaux sur les différents territoires qui les portent, à l’échelle des collectivités (EPCI ou communes) et à l’échelle technique (les SAGE : Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux). L’association des actions avec différents référentiels géographiques permet d’obtenir différentes échelles de lecture et d’assurer la distribution de la donnée environnementale aux niveaux pertinents d’utilisation de la donnée.

Plusieurs indicateurs ont été définis pour chaque type d’objets de travaux. Ils permettent de représenter les efforts de restauration en nombre d’actions réalisées et par leur emprise. Des travaux « ambitieux » ont aussi été distingués : les travaux ambitieux sur lit mineur (reméandrage, remise dans le talweg, remise à ciel ouvert et travaux sur le rang zéro), les arasements d’ouvrages, les aménagements piscicoles et les restaurations de zones humides. Ces opérations sont distinguées en raison des moyens engagés (financiers et techniques) qui sont plus importants et de leur capacité à retrouver les fonctionnalités écologiques des milieux aquatiques.

Quelques chiffres-clés

Poursuivre le travail et maintenir la dynamique

Image
Icône du projet RMA BZH

Le travail de saisie effectué en 2022 se poursuit afin d’assurer la continuité de la donnée portant sur les restaurations des milieux aquatiques. L’objectif est de démontrer l’intérêt de cette mutualisation afin d’étendre la collecte de données à tous les départements bretons. Certains départements effectuent déjà cet exercice de collecte et pourront contribuer à la synthèse régionale à partir de leur système d’information. Pour d’autres départements, une transition vers un système de collecte efficace et pérenne est nécessaire. Cela implique un accompagnement technique à apporter aux territoires pour permettre la bonne mise en place de la collecte.

Le développement de cette dynamique devra s’appuyer sur une animation à l’échelle régionale, indispensable au maintien d’une cohérence d’action dans le temps. Cette animation doit permettre au projet de s’adapter aux besoins changeants, aux nouvelles règles en vigueur et aux nouvelles attentes de valorisation.

D'où viennent les données ?

Les données sont issues du travail des structures techniques en charge des travaux des milieux aquatiques, accompagnées par les structures porteuses de SAGE. Elles sont structurées conformément au dictionnaire de données commun défini dans le cadre du projet régional BERCEAU et saisies via le logiciel SYSMA développé par l'EPTB Sèvre Nantaise.

Accéder aux données

En savoir plus

photo Timothee
Timothée Besse
Chef de projet Eau
Pôle nature & paysages
02 99 35 96 97