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Climat en Bretagne : qu’est-ce qui a déjà changé ? et quelles vulnérabilités ?

Par Emmanuèle Savelli (OEB)
en collaboration avec Franck Baraer (Météo France) Nicolas Pouvreau (Shom) Céline Perherin (Cerema) Thomas Paysant - Le Roux (OEB) François Siorat (OEB)
Mise à jour : 11 février 2020
Temps de lecture : 8 minute(s)
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changement climatique
eau
patrimoine naturel
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photo Le ciel à la pointe du Grouin

Actuellement, la Bretagne profite de conditions climatiques clémentes malgré quelques évènements extrêmes. Mais ici comme ailleurs le changement climatique est en marche. L’impact sera probablement plus marqué à l’échelle régionale sur le littoral, pour la ressource en eau et pour certaines espèces sensibles à la température.

La Bretagne bénéficie d’un climat océanique tempéré. En moyenne, la température approche 20 à 25°C l’après-midi en été et descend parfois en dessous de zéro l’hiver (il y a entre 10 et 30 jours de gel par an). Les vents, fréquents et souvent forts, sont surtout orientés sud-ouest ou nord-est. Ils homogénéisent les températures sur l’ensemble de la péninsule. Le ciel peut alterner en quelques heures épisodes pluvieux et soleil éblouissant et le climat n’est pas exempt de phénomènes exceptionnels comme les vagues de froid, de chaleur, les tempêtes, orages ou encore les sécheresses.

D'où vient cette douceur ?

Trois phénomènes expliquent la douceur hivernale en Bretagne. Bien qu’il passe loin de nos côtes, le courant chaud Nord-Atlantique – prolongement du Gulf Stream – transporte vers le nord une eau réchauffée dans les tropiques. Mais surtout, en hiver, les vents d’ouest dominants traversent l’océan Atlantique, apportant un air plus doux que celui du continent. Et l’océan libère ainsi avec retard, la douceur qu’il a accumulée pendant l’automne.

Microclimats bretons : de quoi parle-t-on ?

Localement, la situation climatique est contrastée du fait de plusieurs particularités régionales. À proximité du littoral, surtout sur les côtes nord et ouest, les températures sont plus clémentes en hiver et plus fraîches en été. Les reliefs de l’ouest, les monts d’Arrée, les montagnes Noires et les monts du Mené, jouent un rôle de barrière physique et reçoivent plus de précipitations que le reste de la région. Grâce aux brises de mer, le soleil est beaucoup plus présent en été sur le littoral que dans l’Argoat. Ce sont ces microclimats qui ont par exemple permis à la Bretagne de développer son activité maraîchère sur la côte Nord, ou encore qui expliquent la présence de nombreuses tourbières dans les monts d’Arrée et les montagnes Noires.

photo artichauts

Culture d'artichauts sur le littoral breton | Mike Gorden (Pixabay)

Aller plus loin avec des données spatiales et détaillées

Rapide et déjà perceptible

Le changement climatique se produit à une vitesse vertigineuse à l’échelle planétaire. Ses conséquences s’expriment de façon variable à l’échelle locale. Si la Bretagne est encore peu impactée, des indices comme l’élévation du niveau marin et de la température moyenne témoignent d’ores et déjà des changements en cours.

Pour que les sociétés puissent maîtriser les risques associés au changement climatique, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) préconise de contenir le réchauffement mondial en deçà de 1,5°C.

Quelles vulnérabilités selon les territoires ?

L’aléa climatique est un événement susceptible de se produire et pouvant entraîner des dommages sur les populations, les activités et les milieux. Si ceux-ci peuvent être affectés par les effets d’un aléa, ils deviennent vulnérables. Selon les types de territoires (urbains, littoraux ou intérieurs), les vulnérabilités attendues concernent :

Les zones basses littorales

Dans le cadre des plans de prévention des risques littoraux, des études sont réalisées dans les secteurs les plus exposés aux aléas littoraux, notamment les submersions marines. Elles permettent d’apprécier les zones soumises à un aléa et, pour les plus récentes, intègrent l’élévation du niveau moyen de la mer dans cette appréciation. En absence de ces études fines, les zones basses littorales sont une première approche [1] pour estimer les zones potentiellement inondables par la mer. Elles sont définies comme les zones situées topographiquement sous le niveau que la mer atteint lors de conditions de tempête dites centennales (probabilité de 1/100 de se produire chaque année). Cette connaissance des zones les plus basses n’est parfois pas suffisante pour estimer correctement les zones inondables [1] mais elle reste précieuse en l’absence d’études plus fines.

Le Cerema a cartographié ces zones basses sur l’ensemble du littoral français et a évalué les enjeux situés dans ces territoires. Malgré les faibles surfaces en jeu en Bretagne comparé à d’autres façades maritimes métropolitaines, leur dégradation pourrait avoir des conséquences sur le tourisme et sur les milieux naturels.

[1] La cartographie des zones basses ne tient pas compte des obstacles pouvant empêcher le passage de l’eau (relief, structures de protection comme les digues ou les cordons naturels, etc.), ni du rapport entre la durée de pleine mer et la surface de la zone basse qui conditionne la capacité d’inondation de la totalité de la zone.

Inondations temporaires de la zone côtière.

Voir la carte des zones basses littorales en Bretagne.

La ressource en eau

En Bretagne, la ressource en eau est quasi exclusivement liée aux pluies hivernales qui permettent la recharge en eau des nappes. Si bien qu’une diminution des précipitations pourrait fragiliser les milieux aquatiques, surtout ceux situés en tête de bassin versant (en particulier les zones humides). Elle risquerait également de réduire la disponibilité en eau des sols au printemps, quand la végétation en a le plus besoin. Une intensification des pluies hivernales pourrait renforcer la vulnérabilité des secteurs faisant déjà l’objet de crues récurrentes.

Des espèces sensibles à la température

Le climat océanique tempéré de la Bretagne marque la limite sud de l’aire de répartition de certaines espèces ayant une affinité septentrionale et la limite nord pour d’autres espèces avec une affinité méridionale. Or parmi ces espèces en limite de répartition géographique, certaines sont sensibles à un changement de la température. Une hausse de cette dernière pourrait repousser les espèces septentrionales vers les zones plus froides, pendant que les autres gagneraient du terrain dans la région.

Dans le groupe des espèces bretonnes « climato-sensibles », on trouve plusieurs espèces de reptiles et de batraciens pour lesquelles la répartition est clairement liée à la température ou à l’ensoleillement par exemple. Trois d’entre elles sont menacées : la couleuvre vipérine, la couleuvre d’Esculape et la vipère péliade. C’est-à-dire qu’elles risquent de disparaître à court terme en Bretagne (liste rouge). La couleuvre verte et jaune est, quant à elle, considérée comme rare.

Quelques espèces de poissons d’eau froide présentes dans les rivières bretonnes sont connues pour leur intolérance à de faibles variations autour de leur température optimale. Citons la lamproie fluviatile, la truite de rivière, le chabot, le spirlin. S’y ajoutent trois espèces de poissons grands migrateurs : la lamproie de Planer, le saumon atlantique et la truite de mer.

Quelques mammifères, dont plusieurs chauves-souris, se distinguent également pour leurs affinités soit méridionale (petit rhinolophe, minioptère de Schreibers, etc.), soit septentrionale (sérotine bicolore, crocidure leucode, etc.). Mais, pour les chauves-souris et pour les oiseaux, si une corrélation est perceptible à l’échelle de la population française ou européenne, des études complémentaires seraient nécessaires pour préciser la situation dès lors que l’échelle territoriale se réduit.

Que retenir ?

  • La Bretagne bénéficie d’un climat océanique tempéré.

  • Les vents, fréquents et souvent forts, sont surtout orientés sud-ouest ou nord-est. Ils homogénéisent les températures sur l’ensemble de la péninsule.

  • Le climat n’est pas exempt de phénomènes exceptionnels comme les vagues de froid, de chaleur, les tempêtes, orages ou encore les sécheresses.

  • Le courant chaud Nord-Atlantique (prolongement du Gulf Stream) et les vents d’ouest dominants expliquent la douceur hivernale en Bretagne.

  • Localement, la situation climatique est contrastée du fait de plusieurs particularités régionales.

  • Le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) préconise de contenir le réchauffement mondial en deçà de 1,5°C. En Bretagne les températures moyennes ont augmenté de 0,8 à 1,2°C entre 1989 et 2018. 

  • Bien qu’encore peu impactée, le changement climatique en Bretagne s’exprime d’ores et déjà par l’élévation du niveau marin et de la température moyenne.

  • Les zones basses littorales sont une première approche pour estimer les zones potentiellement inondables par la mer. Malgré les faibles surfaces en jeu en Bretagne, leur dégradation pourrait avoir des conséquences sur le tourisme et sur les milieux naturels.

  • Une diminution des précipitations, donc de la ressource en eau risquerait de réduire la disponibilité en eau des sols au printemps. Une intensification des pluies hivernales pourrait renforcer la vulnérabilité des secteurs faisant déjà l’objet de crues récurrentes. 

  • Certaines espèces sont sensibles à un changement de la température. Dans le groupe des espèces bretonnes « climato-sensibles », on trouve plusieurs espèces de reptiles et de batraciens dont trois sont menacées : la couleuvre vipérine, la couleuvre d’Esculape et la vipère péliade. Quelques espèces de poissons d’eau froide : la lamproie fluviatile, la truite de rivière, le chabot, le spirlin. Quelques mammifères, dont plusieurs chauves-souris : petit rhinolophe, minioptère de Schreibers, sérotine bicolore, crocidure leucode, etc.

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