Approvisionnement et consommation en bois-énergie en Bretagne

Par Alejandro Zermeno Rodriguez et Adeline Louvigny (OEB)
en collaboration avec Guy Crouisneau (Région Bretagne), Antoine Duval (DREAL Bretagne), Emmanuel Faivre (Région Bretagne), Patrick Souben (DRAAF Bretagne)
Mise à jour : 23 avril 2025
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Les données sur la biomasse en Bretagne
Le bois-énergie en Bretagne
Sources

Consommation du bois de chauffage : OEB-Fibois, 2023. Enquête sur le chauffage domestique au bois en Bretagne - hiver 2022. 

Consommation des chaufferies bois : Base de données des chaufferies bois industrielles, collectives et agricoles en Bretagne de l’AILE.

Prélèvements bocagers : IGN, 2022, Étude de stock de carbone dans les haies bocagères françaises. 

Récolte forestière : DRAAF. Données des enquêtes annuelles de branche (EAB) de la récolte forestière bois-industrie et bois-énergie pour la période 2011-2022. 

Auto-approvisionnement : Différence entre prélèvements IFN et récolte totale EAB.

arbre écorce bois

Entre les périodes 2011-2016 et 2017-2022, la consommation de bois-énergie est portée par l’augmentation du nombre d’utilisateurs de chauffage au bois domestique (+10 %) et de projets de chaufferies (+46 %). Cette croissance de la demande entraine une hausse de la consommation de la ressource en bois (+18 %).

Analyse du bilan consommation - approvisionnement

Dans cette analyse sont observées les moyennes de deux périodes (2011-2016 et 2017-2022), afin d’identifier les évolutions significatives. 

La consommation moyenne de bois-énergie a augmenté de 18 %, passant de 1 090 000 tonnes à 1 290 000 tonnes, avec une forte croissance des chaufferies (+100 000 tonnes), qui consomment du bois déchiqueté venant des ressources forestières et bocagères. La consommation de chauffage au bois domestique a elle grimpé de 10 % (+100 000 tonnes), grâce à l’augmentation du nombre d’utilisateurs, tout particulièrement de granulés.

L’approvisionnement en bois-énergie a augmenté de 9 % sur la même période, passant de 1 050 000 à 1 140 000 tonnes. Cet écart avec la consommation peut être expliqué par les incertitudes dues à la nature des données, et aux informations manquantes.

Les volumes de connexes de scierie (+25 000 tonnes) et de ressources forestières (+60 000 tonnes) ont pu soutenir la croissance de la demande, Les ressources bocagères (514 000 tonnes) sont des données ponctuelles pour 2022, mais ont été inclues à titre indicatif.

 

 

Les dynamiques de consommation et d’approvisionnement du bois-énergie en Bretagne sont complexes, car résultantes de la combinaison de différentes évolutions. 

Une pression sur la ressource en bois

Depuis une dizaine d’années, la demande en bois énergie est poussée par l’augmentation du nombre de projets de chaufferies bois et d’utilisateurs de chauffage au bois domestique. Dans le même temps, l’amélioration des performances énergétiques des appareils de chauffage et des logements a entraîné une diminution de la consommation moyenne, rendant ainsi le bois énergie plus attractif.

Cette croissance de la demande a différentes conséquences selon les stratégies d’approvisionnement. Du côté du chauffage domestique, même si le granulé est en forte croissance, le bois-bûche reste largement majoritaire. Le marché des bûches fonctionnant principalement en auto-approvisionnement (60 % des volumes), ce flux de bois est difficile à suivre et maîtriser. Cette récolte hors des circuits commerciaux officiels engendre une forte pression sur les ressources bocagères et forestières.

Le développement des chaufferies industrielles et collectives, qui ont triplé en dix ans, a redéfini les circuits d’approvisionnement en Bretagne. Alors que le bois-énergie était surtout exporté en qualité de bois-industrie, il est désormais mobilisé localement. L’industrie s’est également tournée vers la valorisation du bois de parcelles plus pauvres. Cet essor a créé une tension sur les ressources, obligeant les nouveaux projets de chaufferies à intégrer une réflexion sur la gestion durable du bois.

La filière bois se réorganise

Face à cette situation de croissance continue de la demande, la récolte en bois-énergie a triplé et la valorisation des connexes de scierie en bois-énergie a augmenté de 54 % en dix ans.

Une évolution qui a engendré une réorganisation du secteur : les scieries se sont regroupées et les exploitations forestières se sont agrandies. Autrefois petites entreprises éparpillées sur le territoire, elles sont devenues une poignée d’exploitations d’envergure régionale.

Malgré cette concentration des industries du bois, l’approvisionnement au niveau régional reste freiné par le fait qu’un tiers du massif forestier breton est constitué de petites parcelles privées, sans obligation de gestion durable et distribuées sur l’ensemble du territoire.

La filière se retrouve face à un nouveau défi : la ressource résineuse étant actuellement en érosion et le bocage subissant une forte pression, une réponse est de se tourner vers les feuillus issus de la forêt.

Cette ressource montre en effet une certaine disponibilité, mais ne peut être valorisée que sous couvert d’adaptations techniques. À ces pressions économiques se rajoutent les effets du changement climatique.

L’IGN estime qu’environ 15 % du couvert forestier national est susceptible de dépérir ou disparaître dans les prochaines années, à cause des hausses de température, des sécheresses sévères et récurrentes, ainsi que l’intensification des attaques de ravageurs. Les conditions climatiques affectent aussi la réussite des plantations : 27 % ont été en échec en Bretagne en 2022 à cause de la sécheresse. La diminution de l’accroissement biologique des arbres affaiblit également la capacité de la forêt à séquestrer du carbone.

Des politiques régionales et nationales pour répondre aux défis

Face à ces problématiques, plusieurs mesures ont été mises en œuvre, à la fois au niveau national et régional. À l’échelle nationale, on peut citer la feuille de route pour l’adaptation des forêts (2020) et des assises de la forêt et du bois (2022), la loi du 10 juillet 2023 qui vise à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie. Plusieurs dispositifs visant à pérenniser l’aide au renouvellement forestier ont été financés dans le cadre de France Relance, et France 2030.

Actuellement, dans le cadre de la planification écologique, le programme « France nation verte » (2024-2032) vise l’adaptation des forêts au changement climatique, le renouvellement des forêts sinistrées, et des forêts pauvres en forêts plus productives. Depuis 2019, le label bas-carbone permet de labelliser la contribution des entreprises et collectivités vers des projets de séquestration du CO2 en forêt et dans les bocages.

Au niveau régional, la Bretagne a développé le programme Breizh forêt-bois, pour l’aide au reboisement forestier, à la valorisation de zones de friches agricoles, et à la transformation ou amélioration de peuplements forestiers pauvres vers d’autres plus productifs.  Parallèlement, le programme Breizh bocage vise à renforcer le maillage bocager, et en 2024, « le pacte en faveur de la haie » est venu soutenir la plantation et la gestion durable des haies, afin de limiter la perte du linéaire.

Ces dispositifs s’inscrivent dans la continuité de France Relance et de la mesure Plantons des Haies. La Bretagne a également élaboré le plan interdépartemental de protection des forêts et landes contre l’incendie (2024-2033). Dans le cadre de la directive européenne RED II (relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables) les opérateurs de la filière bois énergie en France doivent justifier de la durabilité de leurs pratiques d’exploitation de la biomasse forestière, via des documents de gestion durable et des certifications. Une stratégie d’application et de mise en cohérence de ces dispositifs réglementaires et de financement s’avère nécessaire, en prenant bien en compte que certains problèmes sont d’origine structurelle, et peuvent nécessiter des moyens supplémentaires.

Des leviers d'action connus

Plusieurs leviers d’action ont été identifiés afin de préserver la ressource en bois en Bretagne :

  • Afin d’éviter le morcellement et de mobiliser des propriétaires très dispersés, le regroupement des parcelles peut jouer un rôle essentiel dans l'amélioration de l'efficacité de la gestion des forêts privées.
  • La plantation de nouveaux espaces boisés, et la transformation d'espaces boisés délaissés vers des espaces gérés de manière durable, à vocation de bois d'œuvre.
  • Une augmentation des activités de sciage vers des ressources de moindre qualité mais abondantes, en particulier les feuillus, permettrait de relancer une sylviculture durable sur ces peuplements aujourd'hui délaissés.
  • La plantation de nouvelles haies et la mise en gestion durable des haies existantes. Un suivi régulier du linéaire bocager est également nécessaire, en affectant les moyens humains pour accompagner ce processus sur le terrain.
     
photo Alejandro-Zermeno-Rodriguez
Alejandro Zermeno Rodriguez
Chef de projet Biomasse
Pôle Climat et Ressources
02 21 76 58 96