Le marché du chauffage au bois domestique est en croissance constante en Bretagne, avec une augmentation de la consommation de 25 % depuis 15 ans, soit une moyenne de 14 000 tonnes supplémentaires par an. Afin d’offrir une analyse plus poussée de l’évolution de ce marché, une enquête téléphonique a été menée par l’OEB durant l’hiver 2023, dont voici les principaux résultats.
Ce qu'il faut retenir
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Il est estimé que la moitié des maisons individuelles bretonnes sont équipées au chauffage bois, avec un taux global de chauffage au bois de 49,7 %. Ce taux est nettement plus élevé dans le milieu rural par rapport aux zones urbaines.
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Une évolution se dessine au niveau des équipements : les appareils à granulés sont en forte croissance (évolution de 3 à 23 % de taux d’équipement en dix ans), au détriment des appareils à bûches qui continuent cependant d’être majoritaires (évolution de 97 à 77 % de taux d’équipement entre 2013 et 2022). Autre tendance, la disparition progressive des cheminées ouvertes depuis 2015, dont la moitié a été remplacée par des équipements à foyers fermés, ayant un meilleur rendement énergétique.
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L’amélioration des performances énergétiques des nouveaux équipements a permis une diminution de la consommation moyenne des foyers depuis 2006, mais la nécessité de soutenir des projets de rénovation est toujours d’actualité : 54 % des foyers équipés au chauffage bois n’arrivent pas à chauffer plus de la moitié de leur maison.
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L’approvisionnement en bois domestique échappe en grande partie aux circuits commerciaux officiels, la plupart des utilisateurs s’auto-approvisionnant, avec du bois de leur propriété, ou de celle de proches ou voisins.
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Le travail de sensibilisation autour de l’impact du chauffage au bois sur la qualité de l’air est à renforcer : plus de 70 % des utilisateurs ne sont pas conscients de cette pollution, et n’adaptent donc pas leurs pratiques d’allumage et d’entretien du feu.
Contexte : le bois, une énergie en constante évolution en Bretagne
Le bois est la première source d’énergie renouvelable en Bretagne, où il représente 32 % de la production d'énergie en 2022. Au total, près d’1,5 million de tonnes de bois sont consommées par an sur le territoire breton, pour les chaufferies collectives et pour le chauffage domestique.
La consommation d’énergie chez les particuliers se fait sous forme de bois bûches et de granulés (ou pellets). L’approvisionnement en bûches se réalisant essentiellement hors des circuits commerciaux classiques (entreprises spécialisées, grandes surfaces, etc.), l’enquête téléphonique est un des seuls moyens d’estimer cette consommation.
Différentes enquêtes ont été menées depuis une quinzaine d’années sur le territoire breton (CEREN en 2006 et en 2013, OEB/Fibois en 2015 et ADEME en 2018), montrant une croissance continue du nombre de foyers équipés en chauffage bois. La dernière enquête de l’OEB et Fibois date de 2015, et elle estimait ainsi que 468 000 maisons en résidence principale étaient équipées. Les résultats de cette enquête ont aussi confirmé la croissance soutenue du granulé face à la bûche.
Une nouvelle enquête téléphonique a été menée début 2023 par l’OEB en partenariat avec Fibois-Bretagne, afin d’estimer la part du chauffage domestique dans la consommation globale du bois-énergie. Elle inclue de nouveaux enjeux : la prise en compte des résidences secondaires, et la caractérisation des pratiques des utilisateurs afin d’estimer l’efficacité énergétique et la sobriété des usages, tout en intégrant l’impact de la combustion du bois sur la qualité de l’air extérieur.
L’enquête permet ainsi de suivre les tendances d’évolution de la consommation de bois de chauffage domestique pour aider le secteur à s’organiser dans un contexte de hausse des prix de l’énergie, d’encouragement à la sortie des énergies fossiles, de sobriété énergétique, et de préservation de la ressource en bois face aux impacts du changement climatique (sécheresse, incendies, maladies).
Méthodologie
L’enquête téléphonique sur le chauffage domestique au bois a été réalisée durant janvier 2023, sur un échantillon de 1 600 personnes, sur le périmètre des maisons individuelles en résidences principale et secondaire.
Pour en déduire des résultats par zone d’habitation, la typologie a été attribuée aux communes sur la base du zonage INSEE 2019 à 6 niveaux, qui tient compte de la densité et de l’influence d’un pôle d’emploi. La représentativité de l’échantillon a été respectée via l’établissement de quotas par zone d’habitation et par département. Trois niveaux de zones d’habitation ont été retenus pour les analyses des résultats : rural, rural sous influence urbaine (que nous appellerons ici périurbain) et urbain.
L’objectif principal de l’enquête a été d’évaluer la consommation globale de bois-énergie par les particuliers en Bretagne, avec une nouveauté : l’inclusion des résidences secondaires dans le calcul. La consommation en bois associée à ces résidences secondaires a été estimée par l’OEB en considérant qu'elles consommaient cinq fois moins que les résidences principales (selon la méthodologie appliquée par l'Ademe en 2018). L’enquête a également permis la caractérisation du parc d’équipements de chauffage au bois et leurs usages, ainsi que les modes d’approvisionnement du bois par les particuliers.
Les données historiques (2005 à 2017) sont issues des résultats des précédentes études et enquêtes, dont l’OEB a effectué, à posteriori, une analyse méthodologique et retravaillée les résultats afin de garantir une cohérence entre les éléments pris en compte dans les différentes enquêtes.
- Accéder aux résultats complets de l'enquête 2023, et des enquêtes précédentes
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- Rapport d'analyse de l'enquête chauffage bois domestique Fibois/OEB 2023
- Étude sur le chauffage domestique au bois de l'Ademe en 2018
- Le chauffage au bois en Bretagne - point sur les consommations et marchés par l'OEB et Fibois en 2016
- Bilans régionaux du bois de chauffage par le Ceren en 2006
La moitié des maisons individuelles bretonnes se chauffent au bois
Les résultats de l’enquête ont permis d’estimer un taux de chauffage au bois en Bretagne de 50 %, ce qui signifie que la moitié des maisons individuelles se chauffent au bois pour l’ensemble du territoire. Une tendance se dessine selon la densité de population : le milieu rural a un taux sensiblement plus élevé (56,8 %) par rapport au milieu urbain (41,1 %). Une caractéristique qui fait des Côtes-d’Armor le département le plus équipé, et l’Ille-et-Vilaine le moins équipé.
Ces chiffres permettent une estimation de plus de 640 000 maisons équipées en chauffage bois, dont 92 000 en résidences secondaires (14,3 %), ce qui confirme la croissance continue du taux de chauffage au bois depuis le début des années 2000. Un peu plus des trois-quarts utilisent des appareils à bûches, le reste se chauffant aux granulés.
Pour la suite de cet article, les résultats seront, sauf exception, exprimés par rapport à l’échantillon des maisons équipées au chauffage bois (soit 796 logements), et non plus par rapport à l’ensemble des répondants (1 601 individus).
Les équipements les plus installés sont, par ordre d’importance, le poêle à bûches (38,3 %), la cheminée à foyer fermé ou insert (30,9 %), et le poêle à granulés (21,5 %). Un pic dans l’installation des appareils est observé entre 2015 et 2020 : un tiers de l’ensemble des équipements date de cette époque. Intrinsèquement, la quantité de cheminées ouvertes a été réduite presque de moitié (de 14 % à 7,8 %) entre 2015 et 2022 [1].
[1] Chauffage bois en Bretagne : point sur les consommations et marchés (2016)
Les équipements à granulés majoritairement installés ces dernières années
L’utilisation des granulés pour le chauffage domestique a commencé à réellement se développer début 2010. Depuis, le taux d’équipement ne fait qu’augmenter, tout particulièrement dans les maisons récentes : la moitié des maisons construites après 2013 se chauffant au bois ont un appareil à granulés. Cet équipement est majoritairement très récent, avec plus de 80 % ayant cinq ans ou moins. On observe tout particulièrement un gros pic dans l’achat d’équipements granulés depuis 2021, à mettre en lien avec l’augmentation du prix du gaz et de l’électricité, mais aussi des incitations financières particulièrement intéressantes pour les poêles à granulés depuis la mise en place de MaPrimRenov’ en 2020, dispositif d’aide pour la rénovation énergétique, qui est venu remplacer d’autres systèmes comme les aides de l’Agence nationale de l’Habitat ou le crédit d’impôt pour la transition énergétique.
En savoir plus sur les subventions :
Une croissance dans la consommation de bois poussée par les granulés
A partir du taux d’équipement en bûches et granulés, et des consommations déclarées par les répondants de l’enquête, il a été possible d’estimer la consommation annuelle de bois en Bretagne : un total de 1 058 800 tonnes de bois, dont 921 300 tonnes de bûches (87 %) et 137 600 tonnes de granulés (13 %). Cette consommation est en croissance constante depuis 2005, reflet du nombre de ménages utilisateurs qui ne cesse d’augmenter sur la même période. Les courbes d’évolution ne sont cependant pas parallèles, l’amélioration des performances énergétiques des équipements et des bâtiments récents et rénovés permettant de limiter la consommation.
La croissance est poussée par les granulés, dont la demande a été multipliée par quatre depuis 2015, tandis que celle pour les bûches stagne, avec une légère diminution de 4 % sur la même période. À noter que les chiffres issus de l’étude nationale de l’Ademe de 2018 sont très probablement surestimés, vu l’incertitude élevée de l’échantillon issu de la Bretagne (comme expliqué dans l'onglet méthodologie de la datavisualisation ci-dessus).
Nouveauté de cette enquête par rapport aux précédentes, les résidences secondaires ont été prises en compte, et participent à hauteur de 3 % de l’ensemble de la consommation (soit 34 363 tonnes de bois).
L’auto-approvisionnement toujours largement majoritaire pour les utilisateurs de bûches
Si le marché du chauffage domestique au bois est en pleine croissance, à peine 16 % des consommateurs de bûches passent par des vendeurs officiels afin de s’approvisionner. Plus de la moitié utilise du bois de leur propriété ou celle d’un proche (59 %), et 20 % se tournent vers des propriétaires de terrain pour un achat direct. En conséquence, 57 % des foyers se chauffant à la bûche s’approvisionnent gratuitement, et parmi les acheteurs, 30 % échappent à la facturation.
Une majorité des utilisateurs s’approvisionne en début ou pendant la saison de chauffe (57 %).
Toujours un besoin d’avoir une énergie complémentaire au bois
54 % des utilisateurs arrivent à chauffer plus de la moitié de leur habitation avec du bois, et 40 % la chauffent totalement, ou presque.
Cette capacité à chauffer la quasi-totalité du logement dépend du type d’équipement, de son ancienneté, et de celle de la maison. Ainsi, les chaudières (bûches ou granulés) et poêles de masse sont largement utilisés pour chauffer l’entièreté, ou presque, du logement (80 à 90 % des foyers avec ces équipements). Les appareils fabriqués après 2010 sont les plus performants, avec près de la moitié d’entre eux permettant un chauffage global.
La capacité à chauffer la quasi-totalité du logement dépend également de l’âge de la maison : plus le bâtiment est récent, plus la surface chauffée au bois sera importante. Tout particulièrement, il est difficile de chauffer entièrement les habitations antérieures à 1982 : seul un tiers y parvient, alors qu’elles représentent plus de la moitié des résidences équipées en chauffage bois. Ces chiffres montrent le réel besoin d’un soutien dans les démarches de rénovation, et de renouvellement des équipements de ces bâtiments plus anciens.
80 % des foyers utilisent une source d’énergie complémentaire, même s’ils arrivent à chauffer la quasi-totalité de leur logement avec le bois. L’électricité est globalement majoritaire, mais on observe des différences selon les zones d’habitation : le fioul est plutôt utilisé dans les zones rurales, le gaz dans les zones urbaines et l’électricité dans les zones périurbaines. Les possesseurs de chaudières sont ceux qui se permettent le plus de ne pas avoir d’autre énergie que le bois (68 %).
Pour les logements avec énergie complémentaire, le chauffage bois est plutôt utilisé comme appoint lors des mois cléments d’automne et printemps (56 %), et devient le chauffage principal durant les mois les plus froids d’hiver (53 %).
La nécessité de conscientiser de l’impact du chauffage bois sur la qualité de l’air
Une meilleure sensibilisation sur l’impact du chauffage au bois sur la qualité de l’air est amplement nécessaire : à peine 30 % des utilisateurs sont conscients de la pollution créée par la combustion du bois, un chiffre qui descend à 20 % pour ceux qui se chauffent aux granulés.
Plus de la moitié des utilisateurs (56 %) ne seraient pas prêts à renoncer à se chauffer au bois en cas de pic de pollution : une proportion logiquement plus élevée du côté de ceux qui utilisent le bois comme chauffage principal. De l’autre côté, les habitants des zones urbaines et ceux déjà conscients de l’impact sur la qualité de l’air sont plus enclins à renoncer à ce mode de chauffage.
Chauffage au bois et qualité de l'air, une question de santé publique
Le chauffage au bois est à l’origine de près de la moitié des émissions de particules fines PM2.5 en Bretagne, selon le rapport 2022 d'Air Breizh. Ces particules, d’un diamètre inférieur à 2,5 µm, sont particulièrement dangereuses pour la santé du fait de leur petite taille qui leur permet de pénétrer en profondeur dans les voies respiratoires. Différentes études lient également l’exposition à ces particules fines et l’augmentation du risque cardio-vasculaire, et vasculaire cérébral.
Santé Publique France a ainsi estimé que 40 000 décès étaient attribuables, chaque année, aux particules fines PM2.5. L’étude a aussi évalué une perte d’espérance de vie de 8 mois pour les personnes de plus de 30 ans.
La pollution est particulièrement problématique dans les foyers ouverts, feu en plein air et appareils de chauffage anciens, car la combustion est incomplète, et génère poussières, composés organiques volatiles et autres particules dangereuses pour la santé. Les appareils plus récents, s’ils sont utilisés correctement, permettent d’atteindre des rendements de combustion supérieurs à 85 % (90 % pour les équipements à granulés), limitant ainsi la pollution et favorisant en même temps le rendement énergétique.
D’autres paramètres entrent également en compte : le taux d’humidité du bois (un bois à plus de 23 % d’humidité peut émettre jusqu’à 30 fois plus de particules), et la méthode d’allumage du feu. À peine 10 % des utilisateurs d’un chauffage bûche utilisent la technique de l’allumage par le haut, qui permet pourtant d’obtenir une meilleure combustion, donc un meilleur rendement énergétique, et de réduire les particules fines polluantes.