Journées chaudes, vagues de chaleur et changement climatique en Bretagne

Par Pierre d'Arrentières et Adeline Louvigny (OEB)
en collaboration avec Franck Baraer (Météo France) Lola Corre (Météo France) Vincent Dubreuil (LETG - Rennes 2)
Mise à jour : 15 mai 2025
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Le changement climatique
Sources
  • Réanalyse SAFRAN et Drias-Climat de Météo France
  • LETG (Université de Rennes 2)
Soleil chaleur

Dans une France à +4°C (à l'horizon 2100 selon la TRACC), les fortes chaleurs deviennent communes en Bretagne, tout particulièrement dans le sud-est. Assez rares entre 1976 et 2005, les journées très chaudes sont bien plus fréquentes, tout comme les nuits chaudes, quasi-inexistantes à la fin du XXe siècle. Les pires vagues de chaleur qui ont été observées en Bretagne, en 1976, 2003 et 2022, seront largement dépassées par les vagues de chaleurs futures, tant en durée qu’en intensité. Dans une France à +4°C, elles sont 2 à 4 fois plus nombreuses qu’entre 2003 et 2022, et jusqu’à deux fois plus sévères.

Jusqu'à 51°C dans les pires scénarios

Dans une France à +4 °C (à l'horizon 2100 selon la TRACC), l’adaptation face aux fortes chaleurs en Bretagne est primordiale. Tous les modèles s’accordent fortement pour dire que les records de températures sont sensiblement plus élevés, les journées et nuits chaudes plus fréquentes, et les vagues de chaleur plus longues et plus nombreuses. Les modèles s’accordent moyennement sur le fait que les vagues de chaleurs deviennent plus précoces.

Assez rares par le passé, le nombre de journées à plus de 30°C augmente sensiblement. La moitié-sud de l’Ille-et Vilaine et le littoral morbihannais sont les plus fortement touchés, passant de 8 journées très chaudes en 1976-2005 à plus de 30 dans une France à +4°C. Le Finistère nord, préservé par les courants marins, passe de zéro à 3 jours à plus de 30°C.

Représenter les futurs possibles du climat sous forme de carte

Plusieurs futurs possibles simulés par 17 modèles climatiques

Le climat futur ne peut pas être prédit, il ne peut qu’être projeté selon différents scénarios. Les évolutions possibles du climat sont simulées à l’aide de modèles climatiques. Ces modèles sont ensuite alimentés par des scénarios d’émissions de gaz à effet de serre (GES) allant de 1976 à 2100. Les modèles réagissent différemment à ces scénarios d’émissions de GES. Par exemple, pour un réchauffement de +4°C en France (en 2100 selon la TRACC), certains modèles vont donner des futurs plus chauds et plus secs en Bretagne, d’autres, un climat plus pluvieux. 

Pour nos projections climatiques, nous utilisons un ensemble de 17 modèles climatiques issus de différents instituts de recherche dans le monde. Par leur diversité, ils permettent d’approcher au mieux l’éventail des futurs possibles du climat.

Représenter la diversité des futurs climatiques sous forme de carte 

Aucun futur n’est plus probable qu’un autre, il faut donc prendre en compte l’ensemble des résultats des modèles, et pas seulement une valeur moyenne. Pour décrire le plus simplement cette dispersion, nous utilisons ici un intervalle de confiance qui englobe 90 % des résultats des modèles, ainsi que la valeur centrale, appelée médiane. Cet intervalle et sa médiane sont représentés sous forme de 3 cartes.
 

 


Les températures extrêmes, c’est-à-dire avec une probabilité d’être dépassées une fois tous les trois ans, progressent de 6°C. Le sud-est de la Bretagne connaît ainsi une journée à plus de 43°C une année sur trois.

Les records de température sur vingt ans progressent de +5°C en Bretagne, avec une possibilité d’atteindre plus de 46°C, selon la majorité des modèles, voire 51°C selon les modèles pessimistes.



Plus de nuits chaudes, favorisant les îlots de chaleur en ville

La Bretagne a connu très peu de nuits chaudes (>20°C) entre 1976 et 2005. Dans une France à +4°C (horizon 2100 selon la TRACC), elles se produisent plus de 20 fois par an dans le sud, et se limitent à 3 nuits par an dans le Finistère nord (fort accord des modèles). Ces nuits empêchent un bon refroidissement des bâtiments.


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Carte du nombre de nuits chaudes en Bretagne dans une France à +4°C

Les données modélisées ne prennent pas en compte l’effet de l’îlot de chaleur urbain. C’est un phénomène causé par l’emmagasinement de chaleur dans des milieux très minéralisés. Il se manifeste par des températures plus élevées en milieu urbain qu’en milieu rural, ce qui augmente le nombre et l’intensité des nuits chaudes en ville. En 2022, la périphérie rennaise a connu 2 nuits chaudes, contre 8 dans le centre de Rennes. Le 18 juillet 2022, l’écart de température minimale nocturne entre le centre de Rennes et la campagne au nord de la ville était supérieur à 9°C.


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Les effets de l'îlots de chaleur urbain à Rennes

 

Des vagues de chaleur plus nombreuses, plus longues et plus sévères

Deux modèles contrastés pour les projections climatiques des vagues de chaleur

En complément des intervalles de confiance, nous avons sélectionné, pour les vagues de chaleur et les frises climatiques, deux modèles sur les 17 utilisés pour les projections climatiques. Ils donnent des résultats très contrastés sur les précipitations, la sécheresse et les températures. Ils permettent ainsi de bien représenter l’étendue des modélisations en termes de fortes chaleurs, sécheresses et inondations.

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Les deux modèles contrastés des projections climatiques
  • Le modèle très chaud et sec est parmi les modèles conduisant à un futur le plus chaud et le plus sec, avec une forte baisse de précipitations en été et peu d’évolution des précipitations extrêmes.
  • Le modèle chaud et pluvieux est dans la moyenne des 17 modèles pour les températures mais projette une forte hausse des cumuls annuels et des fortes pluies. 

 

Les vagues de chaleur ont été nettement plus nombreuses au cours de ces deux dernières décennies en Bretagne. 25 ont eu lieu entre 2000 et 2023, dont au moins une par an depuis 2016, alors qu’on en compte 23 entre 1947 et 1999. 

La vague de chaleur du 2 au 17 août 2003 est à ce jour la plus longue et la plus sévère enregistrée en Bretagne, juste devant 1976. La plus intense a touché la Bretagne du 07 au 19 juillet 2022, avec un record de température moyenne journalière de 29°C. Plusieurs records absolus de température ont été battus le 18 juillet 2022 en de nombreux endroits, avec un record régional à Bléruais (35) et ses 41,6°C.

Dans une France à +4°C (en 2100 selon la TRACC), selon le modèle très chaud et sec, la Bretagne connaît en moyenne 4 vagues de chaleur par an. On compte, sur 20 ans, 11 vagues de chaleurs plus longues et intenses que 2003, et 14 vagues de chaleur plus intenses que celle de 2022.

Par rapport à la période 2003-2022, le nombre de vagues de chaleur est multiplié par trois selon le modèle chaud et pluvieux (57 vagues de chaleur sur 20 ans), avec des sévérités jusqu’à 60 % plus élevées que le record de 2003. Le modèle très chaud et sec dénombre 83 vagues de chaleur sur 20 ans, avec des sévérités pouvant atteindre plus du double de celle de 2003. Ces vagues de chaleur font leur apparition dès le mois mai, alors qu’elles n’arrivaient pas avant le mois de juin entre 1947 et 2023.

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Pierre d'Arrentières
Chef de projet Adaptation / Climat
Pôle Climat et Ressources
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Adeline Louvigny
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