CGDD (2023), "La France face aux neuf limites planétaires"
Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, La stratégie nationale bas carbone (SNBC) et L'empreinte carbone de la France
Air Breizh, Rapport annuel 2022
Le changement climatique est déjà perceptible en Bretagne. Pour limiter ses impacts, deux types d'actions existent : atténuer ses effets en réduisant fortement et immédiatement nos émissions de gaz à effet de serre et nous adapter à certaines conséquences déjà inévitables. D'une part parce qu'elles dépendent en partie de nos émissions passées, d'autre part parce que les émissions globales actuelles sont encore trop élevées, ce qui nous met face à une situation d'urgence climatique.
Depuis la période préindustrielle (1850-1900), la température moyenne mondiale a augmenté de 1,1°C. Les continents se réchauffant plus vite que les océans, cette élévation de température a déjà atteint + 1,9°C en France métropolitaine.
A l’origine de ce changement climatique, les activités humaines et leurs émissions de gaz à effet de serre, dont l’effet réchauffant (+ 1,5°C) a été en partie contrebalancé par les émissions de gaz refroidissants (- 0,4°C), comme le SO2. Les facteurs climatiques naturels et la variabilité naturelle du climat, ont un impact négligeable (entre - 0,3°C et + 0,3°C) par rapport à celui des activités humaines*.
* Chiffres du sixième rapport du GIEC (AR6, SPM2)
Le protocole de Kyoto, signé en 1997 et entré en vigueur en 2005, a été le premier accord international à définir des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre sur le principe d’une « responsabilité commune, mais différenciée » entre pays dits industrialisés et en voie de développement. Il a par la suite été remplacé par les Accords de Paris, adoptés en 2015 lors de la COP21. Ils visent une limitation du réchauffement, idéalement à 1,5°C et maximum à 2°C d’ici la fin du siècle, en intégrant le principe de neutralité carbone. Malgré ces accords internationaux, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ne cessent de grimper depuis 20 ans, atteignant 57,4 Gt eqCO2 en 2022, soit + 37 % par rapport à 2000.
L’incapacité à atteindre les objectifs de réduction des GES place tous les pays dans une situation d’urgence climatique. Deux types de politiques publiques doivent être menées de front pour y faire face : l’atténuation et l’adaptation.
L’atténuation vise à « éviter l’ingérable », soit agir sur les causes du réchauffement climatique : réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre et favoriser les puits de carbone qui captent le CO2 atmosphérique. L’adaptation a, quant à elle, pour but de nous préparer à « gérer l’inévitable », c’est-à-dire nous permettre de vivre avec les impacts du changement climatique. De l’efficacité des politiques d’atténuation, déployées à l’échelle globale, dépendent les besoins d’adaptation au niveau local.
Des stratégies d’adaptation qui doivent d'ores-et-déjà intégrer certaines conséquences irréversibles du changement climatique (hausse du niveau de la mer et des températures), étant donné les concentrations de gaz à effet de serre atteintes dans l’atmosphère en ce début de XXIème siècle.
Atténuer pour limiter les effets du changement climatique
La Bretagne a réussi à diminuer ses émissions territoriales de gaz à effet de serre, mais pas suffisamment pour remplir ses objectifs. Les Breton·nes ont une empreinte carbone plus élevée que la moyenne mondiale et continuent d’avoir un mode de vie qui n’est pas compatible avec un réchauffement limité à + 2°C en 2100.
Des émissions territoriales en baisse depuis dix ans, mais toujours trop élevées
En 2020, la Bretagne a émis près de 23 Mt d’équivalent CO2, soit 6 % des émissions nationales. Les principaux contributeurs sont le secteur agricole (40,4 %) et le transport (32,1 %), soulignant ainsi le rôle prépondérant de l’agriculture dans la région.
Les objectifs de réduction des émissions territoriales de gaz à effet de serre sont définis, au niveau régional, par le SRADDET (Schéma régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires).
Conçu dans le cadre de la démarche « Breizh Cop » et adopté en 2020 par le Conseil régional, le premier SRADDET breton intègre la trajectoire « transition F4 », soit diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2040, par rapport à 1990. Cela revient à diminuer d’un peu plus de la moitié (- 52 %) les émissions de GES par rapport à 2012. Ces objectifs varient selon les secteurs : - 78 % pour le résidentiel, - 79 % pour le tertiaire, - 66 % pour le transport, - 34 % pour l’agriculture et - 49 % pour l’industrie (2040 par rapport à 2012).*
*Ces objectifs ont été fixés sur la base d’un diagnostic établi à l’aide d’une méthode (EnerGES, OEB), qui depuis a été remplacée par une nouvelle méthode (ISEA, Air Breizh).
En examinant l’évolution entre 2012 et 2020, les émissions de GES ont baissé de 8 %, ce qui est en deçà des 17 % prévus dans le SRADDET. Au niveau sectoriel, les objectifs ne sont pas atteints non plus, excepté pour le secteur "industrie et déchets”, qui a réussi à réduire ses émissions de 11 %, dépassant l’objectif fixé à - 9 %.
En savoir plus : Pourquoi la consommation d'énergie est la première source de gaz à effet de serre en Bretagne ?
Au vu de l’urgence climatique, les législations et règlementations, tant au niveau national qu’européen, ont rapidement évolué ces dernières années et prônent des objectifs plus ambitieux. Au niveau national, il est désormais attendu de réduire les émissions de GES de 40 % entre 1990 et 2030, et d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Des travaux sont en cours pour mettre à jour les objectifs du SRADDET breton, avec un lien fort aux territoires.
- Des objectifs de réduction de GES de plus en plus ambitieux pour répondre à l’urgence climatique
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Le SRADDET breton de 2020 s’aligne sur les objectifs nationaux de réduction des GES, définis par la première Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) en 2015, elle-même dépendante des lois Grenelle de 2008 et 2010, qui demandaient une réduction des GES de 75 % d’ici 2050, par rapport aux niveaux de 1990.
Cependant, face à l’urgence climatique, et vu les efforts d’atténuation jugés insuffisants, il a été depuis nécessaire de revoir à la hausse les objectifs de réduction de gaz à effet de serre, tant au niveau national qu’européen.
La SNBC a été révisée en 2020 afin de se conformer à la loi énergie climat de 2019 : elle vise alors une réduction de 40 % des GES entre 1990 et 2030, et la neutralité carbone à l’horizon 2050. Ces objectifs ont été définis au regard de l’Accord de Paris de 2015, qui demande de limiter le réchauffement climatique au moins en-dessous des 2°C, avec comme ligne de mire les 1,5°C.
Début 2024, la SNBC se dirige vers sa troisième version, dans le cadre de la nouvelle Stratégie française énergie-climat (SFEC), alors en cours d’élaboration. Elle devrait intégrer les objectifs européens « Ajustement à l’objectif 55 », formellement adoptés par le Conseil européen en avril 2023, qui hausse encore les ambitions d’atténuation : - 55 % d’ici 2030 (par rapport à 1990), afin d'atteindre la neutralité carbone en 2050.
Ces objectifs ambitieux au niveau européen et national seront progressivement intégrés dans les politiques régionales (SRADDET) et déclinées selon les spécificités territoriales dans les programmes intercommunaux (PCAET).
Une empreinte carbone bretonne très corrélée au niveau de revenu
Le concept d’empreinte carbone présente l’avantage de mieux évaluer les émissions liées au mode de vie des individus, par rapport aux inventaires territoriaux.
Il englobe à la fois les émissions directes (chauffage, déplacement, etc.) et indirectes, c’est-à-dire liées à la consommation de biens et services produits sur le territoire et depuis l’étranger. L’empreinte retrace ces émissions sur tout le cycle de vie, depuis l’extraction des matières premières jusqu’au transport du produit fini.
L’empreinte carbone moyenne d’un·e Français·e est estimée à 8,9 t eqCO2 pour 2021, un chiffre en légère baisse depuis 1995 (11,2 t eqCO2). L’OEB a développé une méthode de calcul de l’empreinte carbone régionale, qui est déduite de l’empreinte nationale en y incluant différents paramètres régionaux, comme la consommation des ménages.
Les résultats montrent que les Breton·nes émettent en moyenne 9,5 t eqCO2 par an, avec quelques particularités :
- les déplacements et le logement constituent la plus grande part de l’empreinte carbone (49 %),
- 83 % des émissions sont indirectes, c’est-à-dire liées à la production des biens et services,
- près de la moitié des émissions sont importées, donc réalisées depuis l’étranger (hors de la France) pour la fabrication de produits importés vers la Bretagne.
Tout comme l’inégalité climatique existe au niveau international, elle se retrouve aussi aux niveaux national et régional. L'empreinte carbone des habitant·es de Bretagne varie selon leurs revenus : ainsi, les 10 % les plus pauvres affichent une empreinte de 2,5 t eqCO2, soit dix fois moins élevée que celle des 1 % les plus riches, qui atteint les 24,7 t eqCO2.
Quelle diminution de l’empreinte carbone pour un monde à 1,5°C ou 2°C ?
Le lien entre accumulation de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et augmentation de la température sur la planète étant clairement établi, il est possible d’estimer la quantité totale de gaz à effet de serre qui peut encore être émise jusqu’à atteindre les 1,5°C ou 2°C.
Plusieurs études et travaux se sont penchés sur le calcul de ce budget carbone, qui comporte différentes méthodologies et incertitudes. Les dernières estimations du GIEC ont établi, qu’à partir de 2020, il restait à l’humanité 400 Gt de CO2 avant d’atteindre les 1,5°C et 1 150 Gt avant d’atteindre les 2°C. Dans une hypothèse de répartition équivalente (donc sans tenir compte des responsabilités historiques des nations dans les émissions de GES), il reste à chaque être humain un budget de 51 tonnes de CO2 avant d’atteindre les 1,5°C, et 148 tonnes pour les 2°C.
En partant du principe que la neutralité carbone doit être atteinte en 2050 pour les + 1,5°C, et en 2075 pour les + 2°C, des trajectoires de consommation de budgets carbone peuvent être calculées*. Chaque Breton·ne devrait diminuer son empreinte de 45 % d’ici 2030, et de 78 % d’ici 2050, pour une trajectoire conforme aux + 2°C.
* Contrairement aux budgets carbone du GIEC, les calculs ont ici été fait en tenant compte de tous les gaz à effet de serre, et pas seulement le CO2
S'adapter pour vivre avec le changement climatique
« L’adaptation est la démarche d’ajustement au climat actuel ou à venir, ainsi qu’à ses conséquences. Il s’agit à la fois de réduire les effets préjudiciables du changement climatique tout en exploitant les effets bénéfiques » (GIEC).
La nécessité de s’adapter aux impacts du changement climatique est soulignée dès le premier rapport du GIEC en 1990. En France, une stratégie nationale d’adaptation au changement climatique a été élaborée en 2006, et mise en œuvre au travers des plans nationaux d’adaptation au changement climatique qui se sont succédé entre 2011 et 2022 (PNACC et PNACC2).
Dans le cadre de l’élaboration du PNACC3 (2024), l’État a défini la Trajectoire de référence pour l’adaptation au changement climatique, la TRACC, comme ligne rouge pour toutes les actions d’adaptation, dans l’objectif d’avancer de manière coordonnée. Elle prévoit des niveaux de réchauffement global de + 1,5 °C en 2030, + 2 °C en 2050 et + 3 °C en 2100, ce qui correspond à + 4°C en France métropolitaine en 2100 (par rapport à la période pré-industrielle). Cette trajectoire suppose la poursuite des politiques mondiales existantes, sans mesures additionnelles.
Limiter le réchauffement à + 2°C en 2100 est de plus en plus considéré comme inatteignable, les objectifs globaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre n'étant à ce jour, pas atteints.
En Bretagne, l’adaptation au changement climatique est une priorité pour les partenaires institutionnels régionaux. L’État, la Région, la Dreal, l’Ademe, l’Office Français de la Biodiversité et l’Agence de l’eau Loire-Bretagne ont formé une gouvernance au sein du partenariat « Ambition Climat Bretagne » (anciennement « Ambition Climat Énergie » qui ne comprenait initialement que la gouvernance atténuation) et travaillent conjointement sur l’élaboration d’une stratégie régionale.
La Région Bretagne a élaboré sa première stratégie d’adaptation au changement climatique en 2019, dénommée « Breizh Hin ». Elle a été transposée dans le SRADDET (Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires). Cette stratégie s’articule autour de six axes, et a identifié six enjeux territoriaux.
Les dernières avancées sur les politiques climatiques régionales ont été validées fin 2021 par le Conseil régional.