Les poissons, témoins de l’état de santé écologique des cours d’eau

Par Timothée Besse, OEB François siorat, OEB
en collaboration avec Thibault Vigneron, OFB Pascal Irz, OFB
Mise à jour : 14 mai 2025
Temps de lecture : 4 minute(s)
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eau
patrimoine naturel
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Le diagnostic de l’état d’un cours d’eau est un sujet complexe compte tenu de la multiplicité des pressions et impacts. Les organismes biologiques vivant en permanence dans les cours d’eau enregistrent toutes les modifications du milieu. Ils sont à ce titre de très bons indicateurs de l’état global des écosystèmes aquatiques.

Qu'est-ce que la bioindication ?

Les cours d’eau sont les réceptacles des multiples pollutions issues de leur bassin versant. La multiplicité des paramètres à analyser et la diversité des atteintes physiques aux cours d’eau (barrages, chenalisation…) rendent l’évaluation de leur état écologique très complexe.  

Les méthodes de bioindication se basent sur le caractère intégrateur de la faune aquatique qui subit les effets de l’ensemble des perturbations du système aquatique. Toute modification du milieu va engendrer une modification des communautés vivantes qui y habitent. Par exemple, le réchauffement de l’eau au sein d’une retenue va faire disparaître les espèces d’eaux froides comme la truite et faire apparaître des espèces plus thermophiles comme le gardon.

Pourquoi les poissons sont de bons bio-indicateurs ?

  • Ils vivent longtemps : contrairement aux insectes aquatiques, les poissons ont une durée de vie plus longue et sont exposés aux pressions sur le long terme.
  • Ils sont sensibles aux changements : certaines espèces ne supportent pas la pollution par manque d’oxygène, tandis que d'autres peuvent survivre dans des eaux dégradées. Leur présence ou absence donne donc des indices sur l’état du milieu.
  • Ils occupent différents niveaux de la chaîne alimentaire : les espèces piscivores (brochet), invertivores (truite, vandoise…) et les poissons omnivores (gardon, carpe) réagissent différemment aux perturbations environnementales. La dégradation du milieu tend à diminuer les espèces spécialisées et favoriser le développement des espèces généralistes.

L’indice « poissons rivière » (IPR) est un indicateur de qualité des peuplements piscicoles élaboré par l’Office français de la Biodiversité (OFB). Sa mise en œuvre consiste à mesurer l’écart entre la structure du peuplement piscicole d’une station donnée, échantillonnée par pêche électrique, et la composition du peuplement attendue en situation de référence, c’est-à-dire dans des conditions pas ou peu modifiées par l’homme.
 

L’indice poisson Rivière, un thermomètre de l’écologie des cours d’eau

Répartition des stations de suivi par classe de qualité de l'Indice Poissons Rivière (IPR). Cliquez pour accéder au tableau de bord interactif
Répartition des stations de suivi par classe de qualité de l'Indice Poissons Rivière (IPR)

L’IPR est composé de 7 métriques fonctionnelles qui traduisent les principales perturbations du système mais peuvent donner des indications sur les types d’impacts. 

  • NTE : nombre total d’espèces. Un nombre d’espèces trop important peut traduire l’eutrophisation du milieu, la présence de plan d’eau. Un déficit d’espèces peut être le signe de la disparition d’espèces sensibles.
  • NEL : nombre d’espèces lithophiles (reproduction sur substrats minéraux)- cette métrique est sensible aux phénomènes de colmatage, aux travaux hydrauliques.
  • NER : nombre d’espèces rhéophiles (vivant dans des habitats courants). Cette métrique est sensible au ralentissement des écoulements (barrages, biefs), aux baisses de débits…
  • DIT : densité d’individus tolérants. métrique qui traduit principalement les pollutions organiques.
  • DII : densité d’invertivores. Cette métrique évalue indirectement une dégradation de la communauté d’invertébrés présente dans le milieu
  • DIO : Densité d’individus omnivores. Cette métrique mesure le degré de déséquilibre trophique dans le milieu aquatique.
  • DTI : densité totale d’individus. Cette métrique traduit une surproduction du système ou au contraire une régression de la densité suite à des pollutions aiguës.

Guildes écologiques et métriques de l’indice poisson : comment ça marche ?

Les métriques fonctionnelles de l’indice poisson sont des sous-paramètres de l’indice. Elles sont basées sur l’évolution de guildes écologiques face aux altérations. 

Les guildes écologiques regroupent des espèces ayant des exigences écologiques similaires. En bioindication, elles permettent d'analyser plus finement les relations de cause à effet entre dégradation du milieu et évolution biologique du peuplement. 

Par exemple, en cas de pollution organique, la baisse de l’oxygène dans l’eau fait disparaître les espèces intolérantes aux pollutions et favorise certaines espèces tolérantes comme le chevesne ou le gardon.

Evolution des métriques d'abondance de l'Indice Poissons Rivière (IPR). Cliquez pour accéder au tableau de bord interactif
Evolution des métriques d'abondance de l'Indice Poissons Rivière (IPR)

Des réseaux de long terme pour suivre l’état écologique

Les communautés aquatiques sont soumises à des variations inter-annuelles importantes en fonction des conditions hydroclimatiques. L’évaluation des tendances des peuplements et de l’impact des activités humaines doit donc s’inscrire sur le long terme pour s’affranchir des ces variations naturelles. Ceci est d’autant plus vrai dans un contexte de dérèglement climatique. 

La Directive cadre européenne qui vise à atteindre le bon état des eaux demande aux états de mettre en place des réseaux de suivis de long terme : 

  • représentatifs des conditions de pressions s’exerçant sur les cours d’eau (RCS : réseau de contrôle de surveillance)
  • des cours d’eau de références (RRP) , i.e pas ou peu soumis aux pressions humaines pour évaluer les effets à long terme du dérèglement climatique.

Indice Poisson Rivière (IPR) : Qualité des stations suivies en Bretagne
Indice Poisson Rivière (IPR) : Qualité des stations suivies en Bretagne
photo Timothee
Timothée Besse
Chef de projet Eau
Pôle nature & paysages
02 99 35 96 97
photo Franciois-Siorat
François Siorat
Chef du pôle Nature et Paysages | Chef de projet Patrimoine naturel
Pôle nature & paysages
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