Cet article s’appuie sur les résultats d’une recherche collective et interdisciplinaire associant des géographes, politologues, sociologues et linguistes (ADAPTALITT, Tricot et al., 2012) et consacrée à l’habiter littoral, sa confrontation aux risques d’érosion et de submersion des côtes. Une hypothèse structurant cette recherche était de se demander si ces phénomènes et la surveillance dont ils étaient l’attention constituaient une « prise » possible sur la question des changements climatiques difficiles tant à percevoir qu’à accepter localement. Une seconde hypothèse consistait à interroger la relation entre cohabitation avec des risques et adaptation aux futurs changements climatiques. Les terrains choisis concernaient deux communes littorales bretonnes : la presqu’île de Gâvres et Guissény. Ces communes ont été très affectées par la tempête Johanna des 9 et 10 mars 2008 (Tricot A., Lolive J., 2013) : n’ayant occasionné que peu de décès, cet événement, moins médiatique que Xynthia (28 février – 1er mars 2010), fut tout aussi fracassant. Ces deux hypothèses nous ont amené à étudier la perception des risques dans une perspective sensible. Ces questions ont ensuite été présentées et discutées lors des rencontres de Cerisy (2012). Nous nous attacherons ici à en présenter les résultats marquants, tant d’un point de vue épistémologique, méthodologique que de l’enquête terrain. Cet article est structuré en 4 parties : Dans un premier temps, parler de perception de risques nécessitera quelques clarifications préalables. Les effets du changement climatique sont considérés comme des risques potentiels que l’on oppose dans la littérature des risques, aux risques connus. Or ce qui fait le propre d’un risque est sa potentialité , dès lors cette césure- paraît artificielle. Nous rappellerons rapidement quelques éléments du débat entre « risques réels » et « risques construits » ; ainsi que ceux se rapportant à la notion de sensibilité dans l’analyse des risques puis nous présenterons notre positionnement dans ce débat. Parler de perception c’est aussi se poser la question de celui qui perçoit et de son intégration (ou non) dans l’analyse : nous aborderons alors la question des profanes et des amateurs. Deux notions proches mais non semblables, elles n’obéissent pas aux mêmes contraintes de justification dans l’espace public d’où notre choix pour la figure de l’amateur. En contrepoint de la figure de l’amateur, nous présenterons alors notre conception du paysage et la perspective du sensible adoptées dans ce travail. Dans le deuxième temps nous présentons les résultats de cette démarche menée sur la presqu’île de Gâvres (Morbihan) en mai 2012. Nous en viendrons alors à la présentation du dispositif méthodologique de cette recherche, son lien avec les notions précédentes, ce que son usage nous a appris quant à l’idée de perception située. Pour finir, nous parlons de la perception comme activité de repérage de changements dans le paysage ou le milieu de vie. La perception s’organise autour d’une forme d’enquête habitante, une attention aux phénomènes à bas bruits. Nous aborderons enfin les postures collectives que nous avons notées dans cet exercice : recherche de solutions, imputation de responsabilités, expression d’un trouble. En définitive, l’activité de jugement semble faire la différence entre perception sensible de l’environnement et perception sensible du risque.
L’habitant, un « amateur » d’espace ? Réflexions théoriques et méthodologiques pour une analyse de la perception sensible de l’environnement et du risque.
Mise à jour :
20 octobre 2014
risque naturel
gestion du littoral
érosion
inondation
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perception du risque
Lien vers la ressource
Type de document
Publication scientifique
Auteurs personnes
Tricot, Anne
Date de parution
20 octobre 2014
Langue
Français