Les calendriers annuels d'activité des 2000 bateaux de pêche bretons inscrits au fichier national du POP (à l'exception des navires de grande pêche : 35 thoniers océaniques et les 2 navires de Saint-Malo) ont été reconstitués pour l'année 1994, au moyen d'enquêtes auprès des patrons de ces navires. Le recours à cette méthode a été nécessaire pour pallier la faible couverture statistique des activités de pêche côtière qui s'exercent dans les eaux territoriales des 12 milles. Cette collecte d'information a permis de constituer une base de données qui contient, pour chaque bateau, les différents métiers pratiqués au cours de l'année 1994 et, le cas échéant, les périodes d'inactivité. Par "métier" on entend la mise en oeuvre d'un engin de pêche pour capturer une ou plusieurs espèces cibles, sur une zone donnée, et pendant une période donnée.
L'exploitation de la base de données a fourni les résultats suivants :
- 96% des navires de la flotte bretonne ont été présents toute l'année dans les quartiers maritimes bretons. Les 4% restants ont quitté la flotte en cours d'année ou sont arrivés.
- En 1994, 77% des bateaux immatriculés en Bretagne ont été actifs 12 mois, 14% entre 6 et 12 mois et 9% moins de 6 mois. - Le traitement des informations acquises sur les zones de pêche permet de qualifier le "rayon d'action" des navires de la façon suivante :
- les bateaux qui ont exercé toute leur activité dans les 12 milles bretons sont qualifiés de "côtiers".
- ceux qui ont exercé plus de 75% de leur activité dans cet espace sont qualifiés de "côtiers dominants".
- ceux qui ont exercé entre 25 et 75% de leur activité dans cette zone sont qualifiés de "mixtes".
- ceux qui ont exercé moins de 25% de leur activité dans cet espace sont qualifiés d'"extérieurs dominants".
- ceux qui ont exercé toute leur activité à l'extérieur de la bande côtière régionale sont qualifiés d'"extérieurs".
Les deux derniers groupes correspondent aux bateaux qui pêchent au large mais certains ont une activité dans la zone côtière d'autres régions françaises, sans parler des zones côtières étrangères dans lesquelles les flottilles françaises ont des droits historiques. Selon cette grille d'analyse, 72% des bateaux bretons sont "côtiers", 5% sont "côtiers dominants", 8% sont "mixtes", 2% sont "extérieurs dominants" et 13% sont "extérieurs". Au total, plus de 85% des bateaux bretons travaillent dans la bande côtière des 12 milles (exclusivement, de façon majoritaire ou régulièrement), pour un effectif de 1692. Quinze pour cent travaillent à l'extérieur, soit un effectif de 307 bateaux. Le nombre de navires travaillant exclusivement à l'extérieur de la bande côtière bretonne est de 265. Sur les 13 quartiers bretons, 8 regroupent presque exclusivement des bateaux qui travaillent en zone côtière. Ce sont ceux de Saint-Brieuc, Paimpol, Morlaix, Brest, Camaret, Audierne, Auray et Vannes. Les bateaux qui travaillent à l'extérieur des 12 milles sont immatriculés principalement dans les quartiers de Saint-Malo, Douarnenez, Guilvinec, Concarneau et Lorient, où la composante côtière est également présente. Le quartier du Guilvinec, où un cinquième de la flotte bretonne est immatriculée, affiche la plus grande diversité puisque tous les groupes sont représentés. Les bateaux de longueur inférieure à 10 mètres, soit 50% de la flotte, sont strictement inféodés à la bande côtière. La tranche 10 à 19 mètres, qui représentent 40% du total, comprend de façon majoritaire les bateaux "côtiers", "côtiers dominants" et "mixtes".
Les plus de 20 mètres, à de rares exceptions près, travaillent en dehors de la bande côtière
bretonne. Les bateaux dont la puissance motrice est inférieure à 150 kW sont presque
exclusivement "côtiers". Ils représentent 60% de la flotte. La tranche 150-300 kW regroupe la
majorité des bateaux "mixtes". La limite supérieure de la puissance des "côtiers" est de 350
kW (25 bateaux). Les bateaux qui ont une puissance supérieure travaillent essentiellement à
l'extérieur de la bande côtière. La structure d'âge des composantes de la flotte ventilée selon leur rayon d'action montre des disparités assez fortes. C'est la flottille côtière qui est la plus ancienne avec un âge moyen de 18 ans ; moins de 30 % de ces navires ont moins de 10 ans. Les flottilles à plus grand rayon d'action ont un âge moyen inférieur à 12 ans en 1994, suite à une intense politique de renouvellement de ces unités à partir de 1981 ; plus de 50 % de ces navires ont moins de 10 ans.
L'effectif théorique total embarqué en Bretagne est de 6421 marins. Il s'agit en effet de l'effectif réglementaire qui figure au fichier du POP. Les quartiers du Guilvinec, de Concarneau et de Lorient regroupent 56% des marins. Les bateaux "côtiers" et "côtiers dominants" emploient 54% de l'effectif total théorique. 85% des bateaux qui pêchent en zone côtière ("côtiers", "côtiers dominants" et "mixtes") emploient 65% des marins, tandis que 15% des bateaux qui pêchent à l'extérieur de la bande côtière emploient 34% des marins. La flotte bretonne pratique en moyenne deux métiers au cours de l'année. Mais la polyvalence est très variable selon le rayon d'action du navire. Elle est d'autant plus forte que l'activité s'exerce en zone côtière. Sur les 307 navires actifs exclusivement ou exclusivement à l'extérieur de la zone côtière bretonne, qui constitue la flotte réellement du large, 248 (soit plus de 80% ) pratiquent le même métier toute l'année, 52 en exercent deux, et seulement 7 bateaux en pratiquent trois. En zone côtière, seulement 28 % des navires pratiquent un seul métier.
On peut distinguer, à l'échelle de la Bretagne :
- cinq métiers principaux :
_ le chalut de fond à poissons
_ le chalut de fond à langoustine
_ le filet petites mailles à poissons
_ le casier à grand crustacés
_ la drague à coquille Saint-Jacques
Chacun d'eux est pratiqué par environ 20% de la flottille (de façon non exclusive) et le nombre de mois d'activité qui leurs sont consacrés représente 60% de l'activité totale.
- cinq métiers secondaires :
_ la palangre à poissons démersaux
_ le filet à grandes mailles à poissons
_ les métiers de ligne
_ le casier à petits crustacés
_ la palangre à poissons de fond
Chacun d'entre eux est pratiqué par environ 11% de la flottille (de façon non exclusive) et le nombre de mois d'activité qui leurs sont consacrés représente 24% de l'activité totale.
Seuls les métiers exploitant le thon germon (filet dérivant et chalut pélagique) sont exercés exclusivement à l'extérieur de la bande côtière bretonne. Les métiers de chalutage de fond, et de chalutage pélagique non dirigé vers le thon, sont exercés à la fois en bande côtière et à l'extérieur. Les autres métiers sont de façon majoritaire ou exclusivement pratiqués dans la bande côtière bretonne. Selon le critère "nombre de mois d'activité", le métier du chalut de fond à poissons est le métier le plus pratiqué en Bretagne. Il représente 16% de l'activité totale. Selon le critère "nombre de bateaux", il arrive en troisième position avec 460 navires concernés. Ces derniers se répartissent à part égale entre la bande côtière bretonne et l'extérieur. Ils sont issus pour l'essentiel des quartiers du Guilvinec à Lorient, en Bretagne sud, et des baies de Saint-Brieuc et Saint-Malo en Bretagne nord. En nombre de bateaux (486), le métier du filet à petites mailles est le premier métier pratiqué en Bretagne. Ce métier est presque exclusivement exercé dans la zone côtière. L'étude propose ensuite une partition de la flotte bretonne en prenant en compte les principales combinaisons de métiers exercées au cours de l'année. La flotte est
subdivisée en flottilles qui regroupent des bateaux adoptant des stratégies de pêche similaires. Cette classification des bateaux par type permet de structurer une flotte qui, à première vue, semble très hétérogène, par la diversité des métiers pratiqués et la polyvalence des unités. Cette approche s'appuie sur une analyse multivariée de la flotte de pêche bretonne ; les variables retenues dans l'analyse sont les nombres de mois d'activité consacrés à chacun des 31 métiers par chacun des bateaux, au cours de l'année 1994. L'analyse permet de mettre en évidence 13 flottilles (elles ont en commun la pratique d'un ou plusieurs métiers, auxquels ils consacrent un nombre de mois supérieur à la moyenne de la flotte) :
- les senneurs bolincheurs (15 bateaux),
- les chalutiers pélagiques (22 bateaux),
- les chalutiers langoustiniers (275 bateaux),
- les chalutiers à poissons et langoustines (88 bateaux),
- les chalutiers de fond à poissons (339 bateaux),
- les dragueurs (292 bateaux),
- les fileyeurs à petits maillages (260 bateaux),
- les fileyeurs à grands maillages (133 bateaux),
- les caseyeurs à crustacés (228 bateaux),
6
- les palangriers à poissons de fond (76 bateaux),
- les palangriers à poissons démersaux (185 bateaux),
- les goëmoniers purs (27 bateaux)
- une flottille qualifiée de "petits métiers" (54 bateaux).
A la suite de cette analyse, il est intéressant de replacer cette étude sur les caractéristiques de la flotte de pêche commerciale bretonne, dans le contexte de son évolution depuis ces douze dernières années. De 1983 à 1995, la flotte bretonne a subi une réduction de 45 % du nombre de ses navires, passant de 3529 navires à 1944. Cette réduction a affecté différemment les composantes de la flotte selon la longueur des bateaux. C'est la catégorie des 25 à 38 mètres qui a été proportionnellement la plus touchée au cours de la période (-66 %, soit 79 navires), remplacée en partie par des 16-25 mètres dont le nombre a progressé de 2 % (plus 5 navires). Plus de la moitié de la flottille des bateaux de moins de 12 mètres, soit 1378 navires, a disparu, essentiellement dans sa composante la plus petite.
La réduction globale de la puissance motrice est beaucoup plus faible (-13 %). Si elle est forte pour la catégorie des 25 à 38 mètres (-63 %), elle est de -16 % pour les moins