En France, la submersion causée par la tempête Xynthia, qui a fait plusieurs dizaines de morts en mars 2010, a rappelé que les côtes étaient des territoires à risques. A la suite de cet événement dramatique, les risques côtiers de submersion et d'érosion sont passés sur le devant des scènes médiatiques et politiques, très souvent en lien avec la question du changement climatique. De nombreuses mesures sont aujourd'hui à l'étude pour tenter de limiter la vulnérabilité des territoires côtiers (application de la directive européenne " inondation " de 2007, stratégie nationale de gestion du trait de côte, révision des PPRL , lancement des PAPI Mer...). Cette mobilisation sans précédent des services de l'État, des collectivités territoriales et des chercheurs sur le sujet pose la question, récurrente dans les médias, les déclarations politiques et aussi les programmes de recherche, des effets du changement climatique sur la dynamique actuelle et future des côtes. Pour les auteurs de cet article, géographes et géomorphologues du littoral, attentifs aux relations qu'entretiennent les sociétés avec leurs milieux, il est nécessaire de distinguer d'une part, la dynamique actuelle des côtes, résultant de l'imbrication d'au moins trois échelles temporelles différentes (géologique, séculaire et météorologique) et dans lesquelles le signal eustatique lié au changement climatique est masqué par des événements ponctuels de bien plus grande amplitude ; et d'autre part, les probables impacts futurs de la remontée du niveau marin et de la possible modification du régime des tempêtes qu'il faut prendre en compte pour les décennies et siècles prochains. En ce qui concerne le futur, l'épineuse question " jusqu'où la mer va-t-elle monter ? " (Paskoff, 2004) constitue le cœur du problème. Déjà pour la période actuelle, l'estimation de niveaux de référence maximal pose de nombreuses difficultés méthodologiques liés à la dynamique marine et à son extrême variabilité spatiale et temporelle. Elle nécessite la prise en compte des surcotes liées aux dépressions barométriques et aux vents d'afflux. Cette valeur est fournie par le SHOM à partir des calculs de probabilités centennales issues des enregistrements des marégraphes. Mais il faut ajouter à ces hauteurs d'eau statiques, les paramètres induits par l'agitation de la mer (wave set-up et run-up) calculés à partir de modèles de houle qui se calent plus ou moins sur les données enregistrées disponibles. Outre les marges d'erreur propres à chacune de ces catégories de paramètres, surcote et agitation, leur combinaison pose des problèmes de redondance et de probabilité. Enfin, sur les côtes méso et macro-tidales, le coefficient de marée et l'heure de pleine mer constituent des paramètres fondamentaux pour la morphogénèse mais difficiles à intégrer dans les probabilités centennales requises pour élaborer les Plans de Prévention des Risques Littoraux. Pour le futur, il faut rajouter à toutes ces difficultés celle d'estimer l'élévation eustatique prévisible pour la fin du siècle présent. Cette valeur fluctue largement entre les fourchettes des scientifiques du GIECC, mais aussi en fonction des négociations des élus qui, inquiets de voir de vaste territoires interdits à la construction, préfèrent parfois penser que " le pire n'est jamais sûr ". A cela s'ajoutent les possibles effets du renforcement des tempêtes qui pourraient transformer des surcotes et des houles centennales en phénomènes de périodes de retour plus courtes, mais pour lesquelles aucune tendance nette n'est pour le moment décelée. Force est donc de reconnaitre que les incertitudes en matière d'aléa sont grandes ; elles ne doivent cependant pas paralyser l'action, ni la précipiter. En effet, focaliser le problème actuel des risques côtiers sur la question du changement climatique et son cortège d'incertitudes revient à privilégier une approche fondée sur les aléas qui se heurte trop souvent à ces incertitudes. Or cette logique contribue à négliger d'autres paramètres bien plus tangibles et plus maîtrisables : il s'agit des trois autres dimensions de la vulnérabilité globale : les enjeux qui n'ont cessé de croitre depuis le XIXème siècle sur les côtes, les représentations des populations qui privilégient les aménités au détriment des dangers, et enfin les mesures de gestion des risques qui sont les leviers sur lesquels la société peut agir pour réduire la vulnérabilité.
Les effets du changement climatique sur la vulnérabilité des territoires côtiers aux risques d'érosion et de submersion en France métropolitaine : une fraction du problème.
Mise à jour :
14 février 2012
gestion du risque
zone côtière
lutte contre les inondations
inondation
Lien vers la ressource
Type de document
Actes
Auteurs personnes
Le Berre Iwan
Lageat, Yannick
Hénaff Alain
Meur-Ferec Catherine
Auteurs organismes
LETG-Rennes Littoral, Environnement, Télédétection, Géomatique (Costel)
Éditeur
Master Pro GCRN (Gestion des catastrophes et des risques naturels)
Date de parution
14 février 2012
Langue
Français