Quels sont les enjeux pour l’environnement et la santé en Bretagne du recours au bois de chauffage ?

Par Emmanuèle Savelli (OEB)
en collaboration avec Thomas Patenotte (OEB) Alejandro Zermeno Rodrigues (OEB) Air Breizh
Mise à jour : 25 octobre 2023
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2
biomasse
énergie
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Bois coupé

Alors que les ressources fossiles se raréfient et que les énergies renouvelables sont en plein essor, mobiliser davantage de bois en Bretagne pour produire de l'énergie est une des options pour faire face aux enjeux climatiques. Mais cela pose aussi de nombreuses questions sur les autres enjeux environnementaux et sanitaires liés au bois.

D’où vient le bois de chauffage utilisé en Bretagne ?

Pour l’essentiel, il s’agit de bois récolté en Bretagne. Les bûches du bois de chauffage sont principalement issues des forêts et du bocage breton, sans qu’il soit possible de retracer précisément leur origine. En effet, une grande partie du bois provient de circuits informels, courts ou d’auto-approvisionnement. Seule une très faible part des bûches consommées passe par des circuits commerciaux classiques de distribution. Le bois bûche est aux trois quarts constitués de feuillus dur (chêne, châtaignier, charme, hêtre, orme, etc.), plus rarement de résineux, ou de feuillus tendres.

Les granulés de bois sont de plus en plus utilisés en Bretagne pour le chauffage domestique. Ils sont fabriqués à partir de sciures, plaquettes ou de petits bois non valorisables en bois d’œuvre, issus principalement de résineux, mais également de feuillus.

La forêt et les déchets de bois fournissent l'essentiel de la ressource en bois déchiqueté. Les déchets de bois sont tous les bois non traités, en fin de vie, de type broyats de palettes et d'emballages, ainsi que les sous-produits de l'industrie du bois.

Comment est choisie la part de la ressource en bois valorisable comme combustible ?

Le bois n'est pas qu'un combustible pour le chauffage domestique ou collectif, il est aussi valorisable dans la construction ou l’industrie, comme matériau biosourcé. L’usage réel des bois dépend de la demande. Toutefois, pour les arbres forestiers, à chaque partie peut être attribué un usage potentiel, défini par l'IGNF comme la « valorisation la plus élevée possible, en termes économique, en fonction des caractéristiques de chaque pièce de bois ». Ainsi, selon le diamètre des branches, on considère habituellement les usages suivants :

  • les tiges de plus de 25 cm de diamètre seront principalement valorisées en bois d’œuvre (menuiserie, charpente, ébénisterie, emballage) ;
  • les branches de plus de 7 cm en bois d’industrie ou en bois de chauffage (trituration, déchiquetage du bois pour l’industrie du panneau ou de l’énergie, bois bûche) ;
  • les petites branches, d’un diamètre inférieur à 7 cm seront potentiellement valorisées en bois de chauffage, sous forme de plaquette, ou bien laissées sur place.

Ces considérations sont adaptées au contexte national actuel et peuvent bien entendu perdre toute pertinence dans un autre contexte économique et politique.

Image
Répartition des scetions de bois selon leur usage potentiel (OEB)

Comment la manière dont le bois de chauffage est prélevé influe-t-elle sur l’environnement ?

Les pratiques sylvicoles jouent sur le volume de biomasse mobilisé et exporté, et donc sur le taux de matière organique des sols. Ceci impacte leur fertilité, leur capacité de rétention de l'eau ou des éléments nutritifs, et leur activité biologique. L'usage des machines est également susceptible de jouer sur le tassement du sol et ses caractéristiques.

La biodiversité forestière dépend étroitement des micro-habitats disponibles et donc de la nature et des volumes de bois vivants ou morts. La récolte de menus bois notamment peut modifier le milieu au profit d'espèces en milieu ouvert et une récolte accrue est susceptible de modifier les trames vertes. Les pratiques sylvicoles impactent la concentration en polluants et la quantité d'eau disponible. Cet enjeu est en partie lié à la qualité des sols et la biodiversité des milieux.

La valorisation de la biomasse joue sur l'aspect des paysages (bocage, paysages boisés, etc.) et la répartition des espaces naturels, agricoles et forestiers.

Pour comprendre le rôle des boisements en bordures de cours d’eau ou de zones humides sur le cycle de l’eau et la biodiversité, on vous explique comment l'eau circule, en Bretagne, entre surface et sous-sol

Quel est l’impact du chauffage au bois sur la qualité de l’air en Bretagne ?

Dans certaines conditions de combustion, lorsque le bois ne brûle pas complètement (feu en plein air, foyer ouvert, appareils de chauffage anciens ou encore usage de bois humide), il émet des particules fines de diamètres inférieurs à 2,5 (PM2,5) et 10 microns (PM10), et des composés chimiques dangereux pour la santé (CO, COV, etc.). Ces émissions ont un impact sur la qualité de l’air extérieur mais aussi intérieur, et présentent un risque pour la santé.

Air Breizh, organisme chargé de la surveillance de la qualité de l’air en Bretagne, explique que ces émissions peuvent contribuer aux épisodes de pollution atmosphérique dans les zones bretonnes densément peuplées et dans certaines conditions météorologiques (en hiver et au printemps, dans des conditions anticycloniques marquées). « Les particules PM10 et PM2,5 peuvent provoquer une atteinte fonctionnelle respiratoire, le déclenchement de crises d’asthme et la hausse du nombre de décès pour cause cardio-vasculaire ou respiratoire ». En 2020, le chauffage au bois domestique était à l’origine de « 96 % des émissions de PM2,5 en Bretagne » liées au secteur résidentiel. « Les concentrations annuelles moyennes des PM2,5 [étaient] homogènes sur l’ensemble [de la Bretagne]. Les valeurs de pollution de fond varient de 6 - 7 μg/m3 en zone rurale à 8 - 9 μg/m3 dans les centres urbains. » Selon le référentiel considéré (Valeur Limite réglementaire, fixée à 25 μg/m3 ou recommandation plus sévère de l’OMS à 5 μg/m3), cette concentration est jugée ou non préoccupante.

Aller plus loin avec des données spatiales et temporelles détaillées

Chaque année, le rapport d’Air Breizh présente les résultats des mesures annuelles en particules fines (PM2,5 et PM10) et leur impact sur la qualité de l’air en Bretagne. À retrouver sur : www.airbreizh.asso.fr

Santé publique de France a évalué l’impact de la pollution atmosphérique sur la mortalité annuelle en France entre 2016 et 2019. Il en ressort que « chaque année près de 40 000 décès seraient attribuables à une exposition des personnes âgées de 30 ans et plus aux particules fines (PM2,5). Ainsi, l’exposition à la pollution de l’air ambiant représente, en moyenne, pour les personnes âgées de 30 ans et plus une perte d’espérance de vie de près de 8 mois pour les PM2,5 ». Ces risques sanitaires sont encore insuffisamment connus de la population en Bretagne car à peine 30 % des utilisateurs de bois chauffage sont conscients de la pollution créée par la combustion du bois. Un chiffre qui descend à 20 % pour ceux et celles qui se chauffent aux granulés. Un bon équipement pour se chauffer au bois ne fait pas tout, encore faut-il savoir l’utiliser correctement pour protéger sa santé et celles des autres.

Que retenir ?

  • Le bois de chauffage consommé en Bretagne est à 70 % d’origine régionale. Il vient principalement de forêts de feuillus, de haies bocagères et de forêts de résineux et, dans une moindre mesure, de bois d’élagage et en fin de vie.

  • La ressource en bois ne sert pas qu’à se chauffer et lors de la collecte du bois forestier, ses usages économiques (énergie, construction, industrie) dépendent en théorie des caractéristiques du bois (par exemple le diamètre des billes ou branches coupées).

  • Les pratiques sylvicoles et la valorisation du bois en Bretagne ont des impacts sur les écosystèmes, la qualité des sols et de la ressource en eau, mais aussi sur l’aspect des paysages.

  • Le chauffage au bois domestique en Bretagne contribue fortement à la pollution en particules fines de diamètres inférieurs à 2,5 microns, contribuant ainsi à l’exposition de la population à des risques sanitaires. Cette pollution de l’air intérieur et extérieur intervient lorsque la combustion du bois est mal maîtrisée, ce dont peu de Bretons et Bretonnes ont conscience (20 à 30 % des personnes se chauffant au bois).

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Emmanuèle Savelli
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