72 % des observations citoyennes de requins pèlerins en France ont lieu au large des côtes bretonnes

Par Emilie Novince (OEB)
en collaboration avec Alexandra Rohr (Apecs)
Mise à jour : 03 novembre 2020
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patrimoine naturel
mer et littoral
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Sommaire de l'article
Photo requin pèlerin

Le requin pèlerin est un hôte régulier des eaux bretonnes mais comme il passe peu de temps en surface, il n’est pas facile à observer. L’Association pour l’étude et la conservation des sélaciens (Apecs) sollicite les usagers de la mer pour l’aider à recenser les individus visibles en surface. Alexandra Rohr, coordinatrice du projet au sein de l’Apecs, nous explique en quoi consiste cette opération et fait le bilan des résultats obtenus depuis 1998.

Pourquoi l’Apecs s’intéresse-t-elle au requin pèlerin ?

Autrefois exploité notamment en Europe autour de la seconde guerre mondiale, le requin pèlerin est aujourd’hui considéré comme en danger d’extinction à l’échelle mondiale. Il est aussi inscrit sur plusieurs conventions internationales en faveur de la protection de la nature *. Et depuis 2007, il est interdit de le pêcher et de le débarquer dans les eaux européennes. Malgré ces mesures, les captures accidentelles se produisent encore. À cela s’ajoute d’autres menaces comme l’intensification du trafic maritime et des risques de collisions, le développement des énergies marines renouvelables ou encore la pollution des océans. Il est donc indispensable de suivre cette espèce méconnue sur le long terme afin de mieux comprendre sa distribution ainsi que ses migrations dans le but de lutter efficacement contre les menaces actuelles et de mieux protéger le pèlerin.

* Conventions de Barcelone (1995) et de Berne (1997), CITES (2003), Ospar (2003), CMS (2005)

Selon la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature et en Atlantique Nord-Est, l’espèce est considérée comme « En danger » d’extinction depuis 2000.

Photo Requin pèlerin

Crédit photo : Greg Skomal | Le requin pèlerin est le second plus grand poisson du monde après le requin baleine.

L’un des plus grands poissons du monde

Le requin pèlerin (Cetorhinus maximus) est le second plus grand poisson du monde après le requin baleine. Il peut atteindre 12 mètres de long et peser plus de 5 tonnes ! On peut l’observer nageant lentement en surface, notamment au printemps et en été, lorsqu’il consomme du plancton, son unique nourriture. Ce géant des mers est donc inoffensif. Sur les côtes bretonnes, la pêche artisanale du début des années 1940 s’est transformée en une pêche plus industrielle pour l’intérêt porté à la grande quantité d’huile contenue dans le foie des requins pèlerins. Au début des années 1960, deux bateaux concarnois furent équipés de canons lance-harpon et cette pêche ciblée se poursuivi jusqu’en 1990.

En quoi consiste votre action sur cette espèce ?

Bien qu’il s’agisse de l’une des plus grandes espèces de requins et bien qu’on puisse voir chaque année des individus en Bretagne lorsqu’ils nagent en surface, le requin pèlerin est resté longtemps méconnu du public et des gestionnaires des eaux littorales de la région.

Des étudiants brestois qui s’intéressaient à cette espèce ont créé l’Apecs. Le premier programme a consisté au recensement de l’espèce. L’idée était ensuite d’élargir les missions de l’association aux autres espèces de raies et de requins. C’est ainsi qu’a été lancé le programme national de recensement des observations de requins pèlerins, en sollicitant les usagers de la mer. Nous avons démarré par la Bretagne en 1997, puis nous avons étendu la zone de prospection à l’ensemble des eaux littorales métropolitaines l’année qui a suivi.

En participant à ce programme de science participative, les observateurs contribuent à mieux connaître cette espèce menacée afin de définir des mesures de conservation appropriées à la fois de l’espèce et des espaces qu’elle occupe. Le programme national de recensement des observations de requins pèlerins a d’autre part permis de mettre en évidence des zones privilégiées d'observations sur les côtes bretonnes. Nous avons utilisé ces données pour choisir les secteurs de nos missions sur le terrain. Depuis 2015, nous avons mis en place un nouveau programme, nommé Pelargos (PEL de pèlerin et ARGOS pour le système satellite utilisé), visant à déployer des balises de suivi par satellite sur les requins pèlerins dans le Finistère Sud et également en mer d'Iroise depuis cette année.

Photo Observateurs de la vie marine

Crédit photo : Alexandra Rohr - Apecs | Les usagers de la mer, qu’ils soient professionnels ou non, représentent des observateurs privilégiés de la vie marine.

Pourquoi avoir recours à la science participative ?

Les usagers de la mer, qu’ils soient professionnels ou non, représentent des observateurs privilégiés de la vie marine. Or le nombre élevé de ces acteurs en zone côtière permet de constituer un réseau d’observation, basé sur la collecte opportuniste d’informations. Par nature, ces informations sont très dépendantes d’événements incontrôlables mais en standardisant la collecte des données et en menant ce genre de programmes sur de longues périodes, il devient possible d’obtenir des résultats qui améliorent les connaissances sur cette espèce.

Qui peut participer, et comment observe-t-on le requin pèlerin ?

Les observateurs potentiels sont aussi variés que les activités côtières : professionnels de la mer, plaisanciers, plongeurs, etc. Toutes les personnes qui ont la chance de le rencontrer lors de leurs sorties en mer ou de balades sur le littoral peuvent nous aider. Sur nos côtes, le requin pèlerin est visible surtout au printemps et en été, lorsqu’il vient se nourrir de plancton près de la surface. La première nageoire dorsale (aileron) et l’extrémité de la queue peuvent alors émerger régulièrement de l’eau. Par une journée calme et ensoleillée, il est donc possible de repérer et d’observer ce géant débonnaire nageant lentement gueule béante, seul ou parfois en petits groupes.

 

Les observateurs sont invités 

à nous contacter par téléphone au 06 77 59 69 83 et 

à remplir un formulaire en ligne.

 

Pour chaque signalement, la date, l’heure et le lieu de l’observation sont enregistrés ainsi que le nombre de requins observés, la taille estimée des individus et leur activité (déplacement, alimentation). Toutes les données sont ensuite compilées dans une base de données informatique.

Photo requin pèlerin

Crédit photo : Alexandra Rohr - Apecs | Malgré une aire de répartition assez vaste, les rencontres avec le requin pèlerin sont rares.

Après plus de 20 ans d’observations participatives des requins pèlerins : quel bilan faites-vous en Bretagne ?

Plus de 70 % des observations métropolitaines ont lieu autour des côtes bretonnes, majoritairement en Bretagne Sud, de Belle-Île-en-Mer à la Baie d’Audierne, et en Mer d’Iroise. Le nombre de données collectées est très variable d’une année sur l’autre. Il y a entre 25 et plus de 160 observations de requins pèlerins par an. Par nature, ces informations sont très dépendantes d’événements incontrôlables. En effet, le nombre d’observateurs potentiels n’est homogène ni dans l’espace, ni dans le temps, ni même selon les conditions d’observation qui sont liées à la météorologie. Le comportement des requins peut également influer sur les capacités de détection par l’observateur. Enfin, l’observation potentielle du même individu à plusieurs reprises et l’effet cumulé des campagnes d’informations successives peuvent biaiser les résultats. Ces biais inhérents à la méthode sont pris en compte lors des analyses des données.

Sur la période 1998 - 2017, la base de données compte 1 403 signalements de requins pèlerins se répartissant entre observations d’animaux vivants en mer (96 %), captures accidentelles dans des engins de pêche et échouages. Ces 1 403 signalements représentent 1 527 requins puisque qu’un même signalement peut concerner un groupe de plusieurs individus observés en même temps.

Mieux comprendre

Qui contacter ?

Alexandra Rohr, APECS : Tél. 06 77 59 69 83 - courriel

phot emilie novince
Émilie Novince
Webmestre éditorial
Pôle communication
02 99 35 45 85

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