L'usage des produits phytosanitaires dans l'agriculture bretonne

Les produits phytosanitaires sont utilisés en agriculture pour protéger les plantations, afin de maintenir ou améliorer leur rendement. Leur usage varie notamment en fonction du type de culture et des pratiques culturales. L’agriculture bretonne — qui a un poids économique important — est principalement tournée vers les grandes cultures en lien avec l’élevage, ainsi que vers la production légumière.
Des produits pour la protection des cultures
En agriculture, les produits phytosanitaires sont destinés à protéger des espèces végétales cultivées, généralement pour en améliorer les rendements. Ils agissent en repoussant, éliminant ou contrôlant les organismes nuisibles (animaux, végétaux, bactéries, virus, etc.) et les plantes adventices (végétaux ou parties de végétaux jugés indésirable et entrant en compétition avec les plantes cultivées pour la lumière et la nutrition minérale). Les produits phytosanitaires sont utilisés soit de manière préventive (pour protéger la plante en empêchant que la maladie ne se développe), soit de manière curative (pour traiter une maladie ou éliminer un organisme qui est déjà présent).
Les usages phytosanitaires sont essentiellement gouvernés par les pratiques agricoles (systèmes de culture spécialisés et intensifs), les conditions météorologiques plus ou moins favorables au développement des bioagresseurs, et l’état sanitaire des parcelles [1].
Depuis 2011 le niveau de pression parasitaire (maladies et ravageurs) est relativement faible en Bretagne [2], pour autant certaines situations exceptionnelles (attaque par le virus de la Jaunisse Nanisante de l'Orge, ou vol de mouches Geomyza) ainsi que de nouvelles pressions parasitaires (exemple : la pyrale) probablement liées aux évolutions climatiques, sont à noter.
Afin de réduire la compétition avec les plantes non-désirées (adventices) au profit de la plante cultivée, les produits phytosanitaires sont utilisés aux différents stades de développement des cultures. Les traitements herbicides de pré-levée sont appliqués par pulvérisation sur la couche supérieure du sol peu de temps après le semis, mais avant l’émergence des premières plantules de la culture semée. Les traitements herbicides en post-levée (précoce) sont appliqués par pulvérisation après l’émergence de la plante cultivée.
[1] Expertise scientifique collective Inra / Cemagref, 2005.
[2] DRAAF-SRAL Bretagne, 2018
Un suivi de l'intensité des traitements phytosanitaires
Pour évaluer les usages agricoles des produits phytosanitaires, un ensemble d’indicateurs a été élaboré dans le cadre du plan Écophyto.
L’Indicateur de fréquence de traitement (IFT) est un de ces indicateurs. Il permet d’identifier l’intensité d’utilisation des pesticides par culture, par système de culture ou par exploitation. Il est obtenu suite à des enquêtes « pratiques culturales » effectuées par le service de la statistique et de la prospective du ministère en charge de l’agriculture. Ces enquêtes sont renouvelées en général tous les 5 ans.
L’IFT comptabilise le nombre de doses de référence appliquées par hectare au cours d’une campagne culturale. Par exemple, si un produit est utilisé à 500 g/ha alors qu'il est homologué à 1 000 g/ha, l'IFT sera de 0,5. Si ce traitement est renouvelé trois fois, l'IFT sera de 1,5. L’IFT dépend fortement des conditions pédoclimatiques, des pressions sanitaires ainsi que des cultures concernées. En Bretagne, on retrouve principalement des grandes cultures , la production de légumes frais ou transformés est l'autre filière importante de la région.
Près de 84 % des exploitations bretonnes sont ainsi tournées vers l’élevage, notamment pour la production laitière. La Bretagne fournit également 58 % du tonnage national de viande porcine et 43 % du volume d’œufs.
Ces productions peuvent être liées aux « grandes cultures » (céréales et maïs pour le bétail notamment) qui couvrent la plus grande part de la surface agricole utile (SAU). Les surfaces en céréales et maïs diminuent légèrement depuis 2014 au profit des oléagineux (colza, lin) et protéagineux (pois, féveroles). Malgré une très forte progression — probablement en raison des incitations à améliorer l'autonomie alimentaire des élevages ─ ces derniers ne représentent encore que 0,5 % de la SAU.
Le blé, l'orge et le colza (cultivés sur 27 % de la SAU régionale) possèdent des indices de fréquence de traitement légèrement inférieurs au moyenne nationales : l'IFT est de 4,6 sur le blé, 4,4 sur l’orge et 4 sur le colza. Celui du maïs (grain et fourrage, soit 28 % de la SAU) est de 2,5 [3]. Les herbicides sont les substances actives les plus utilisées dans ces cultures.
Les prairies représentent une autre part importante de la SAU, avec une majorité de prairies temporaires d’une durée de vie d’environ 5 ans. Des traitements herbicides peuvent être appliqués de manière préventive lors de leur implantation, notamment pour limiter le développement d’adventices (en particulier les dicotylédones). Des traitements peuvent être appliqués pour l’entretien des bordures. Enfin, la destruction des prairies pour implanter des cultures, dans le cadre de la rotation, peut également se faire de façon chimique. De façon générale, la pression phytosanitaire sur les prairies est faible.
La part de SAU restante est dédiée aux cultures légumières qui forment l’autre grande filière agricole bretonne, même si leurs superficies diminuent depuis 2014, notamment celle destinée au marché du frais (hors légumes transformés, surgelés, conserves, etc.). Aujourd'hui, ces presque 50 000 hectares ne représentent pas moins de 20 % de la surface légumière nationale. La région produit plus de 80 % du tonnage français de choux fleurs, plus de 75 % des artichauts et échalotes, 49 % des épinards et 25 % des tomates [4]. Les légumes destinés à être transformés sont pris en charge par les industriels agroalimentaires implantés localement.
Ces cultures nécessitent une protection phytosanitaire principalement pour la gestion des ravageurs et maladies (insecticides et fongicides). Les fréquences de traitements sont variables d'une culture à l'autre : l’indice de fréquence de traitement du choux fleur est d’environ 3, celui de la tomate de 3,3. La pomme de terre possède un indice de fréquence de traitement particulièrement élevé (IFT de 17), principalement pour contrôler la pression du mildiou. Les solutions de biocontrôle, qui sont comptabilisées dans les traitements IFT, sont de plus en plus utilisées en production légumières [5].
Les cultures sous serre permettent un meilleur contrôle des risques, par la maitrise des populations de ravageur avec l’utilisation d’agents de lutte biologique (coccinelles contre les pucerons par exemple), ou la maitrise des conditions climatiques limitant ainsi le recours au fongicides.
La recherche variétale, avec la sélection de variétés résistantes ou tolérantes, contribue à diminuer le recours aux traitements phytosanitaires. Entre 2006 et 2016, la surface des cultures sous serre (qui n’est pas comprise dans la SAU) a augmenté de 30 % dans la région [6].
L‘IFT des principales cultures céréalières et légumières bretonnes évolue à la hausse ces trois dernières années. La perte progressive d'efficacité des traitements du fait de développements de résistance des organismes ciblés et/ou d'une biodégradation accélérée des produits appliqués par adaptation des microorganismes du sol peuvent expliquer ce phénomène.
IFT 2015 (Bretagne) | IFT 2016 (Bretagne) | IFT 2017 (Bretagne) | IFT 2017 (France) | Substance active principalement utilisée | |
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Blé tendre | 4,5 | 4,47 | 4,6 | 5,2 | Diflufénicanil, prosulfocarbe |
Colza | 3,69 | 4,05 | 4 | 6,5 | Dimoxystrobine |
Féverole | - | - | 3,4 | 3,2 | |
Maïs fourrage | 2,31 | 2,45 | 2,5 | 2,4 | S-métolachlor; dimethenamid-P ; nicosulfuron ; terbuthylazine ; bentazone |
Maïs grain | - | - | 2,5 | 2,9 | S-métolachlor ; dimethenamid-P ; nicosulfuron ; terbuthylazine ; bentazone |
Orge | 3,64 | 4,15 | 4,4 | 4,4 | Diflufénicanil, prosulfocarbe |
Pois protéagineux | 3,74 | 3,22 | - | 4,6 | Bentazone |
Pomme de terre | 14,18 | 16,8 | 17,6 | 16,6 | Huile de vaseline, mancozèbe |
Indices de fréquence de traitement bretons, y compris le traitement de semences, selon les cultures Sources : Draaf, SSP - Agreste – Enquête pratique culturale en GC 2017. Pratiques culturales en grandes cultures Agreste Chiffres et Données n° 2019-3
[3] Pratiques culturales en grandes cultures Agreste Chiffres et Données n° 2019-3 - Draaf, SSP - Agreste 2017.
[4] Évaluation du plan Ecophyto - Note de suivi 2015-2018 Bretagne, Draaf-SRAL Bretagne, 2019.
[5] Pratiques culturales sur les légumes (Agreste Bretagne), 2013.
[6] Tableaux de l’agriculture bretonne (Agreste Bretagne), 2016.
Mieux comprendre
Les enquêtes sur les pratiques culturales de l'Agreste.
La note de suivi (2015-2018) du plan Ecophyto Bretagne.
Selon les données du réseau d'information comptable agricole (Rica), depuis 2011, les dépenses moyennes en produits phytosanitaires pour les exploitations bretonnes sont en constante évolution alors que la SAU est stable. Autour de 5,74 K Euros par exploitation (10,20 K Euros en France métropolitaine), ces dépenses varient selon la taille des exploitations, le type de culture et les pratiques culturales [7].
[7] Données du réseau d'information comptable agricole (Rica).
Pas de traitements chimiques de synthèse en agriculture biologique
L'agriculture biologique se développe en Bretagne. Le règlement européen auquel l’agriculture biologique est rattachée indique que certains produits de protection des cultures, d'origine naturelle, sont utilisables si leur matière active est listée dans l'annexe II de ce règlement. Ce texte précise également les conditions spécifiques qui doivent être respectées pour leur utilisation. Dans cette liste on trouve des pesticides comme le polysulfure de calcium ou le le sulfate de cuivre. La principale différence avec les intrants utilisés dans l’agriculture conventionnelle réside dans le fait que ceux utilisés en agriculture biologique doivent être « d’origine végétale, animale, microbienne ou minérale ». Même s’ils sont d’origine naturelle, les pesticides restent des matières toxiques, avec des substances chimiques actives, pouvant avoir des effets néfastes sur l’environnement ou sur la santé (ex. le sulfate de cuivre). Ils restent également soumis à la réglementation relative à la mise sur le marché des produits phytosanitaires.
[9] Source : Règlement européen (CE n° 889/2008 et CE n° 834/2007).
Une utilisation des produits phytosanitaires encadrée
Afin de renforcer la sécurisation de l’utilisation des produits phytosanitaires, la loi « Grenelle 2 » exige un niveau de formation approprié pour l’ensemble des utilisateurs de produits phytosanitaires (agriculteurs, conseillers, vendeurs, applicateurs). Près de 40 000 professionnels bretons possèdent une certification d’aptitude individuelle dite « Certiphyto », délivrée par la Draaf, suite à une formation délivrée par un organisme habilité [10]. Le certiphyto est obligatoire dans le cadre professionnel pour vendre, acheter, appliquer ou conseiller les produits phytosanitaires. Ce certiphyto doit être renouvelé tous les 5 ans. En raison de leur dangerosité potentielle, la vente de produits phytosanitaires ne comportant pas la mention « emploi autorisé dans les jardins » est strictement réservée aux acheteurs professionnels titulaires d'un certificat Certiphyto.
Évolution du nombre de certiphyto délivrés par catégorie
Source : Note de suivi 2015-2018 du plan Ecophyto, DRAAF-SRAL Bretagne, 2018.
Par ailleurs, les entreprises de distribution de produits phytosanitaires, d’application en prestation de service, de conseil à l’utilisation de ces produits, sont soumises à une obligation d’agrément d’activité, soumise à une certification d’entreprise par des organismes certificateurs et délivrée par le préfet de région. En 2018, toutes les entreprises bretonnes concernées, soient 1 586, possèdent cet agrément. À noter que ces agréments concernent également les paysagistes. Ils doivent être identifiés dans l’ensemble des documents commerciaux.
Le site « e-agre » recense les entreprises disposant d'un agrément de produits phytopharmaceutiques, par type d’activité, département ou commune.
[10] Journal officiel de la République française, 2011.