Pourquoi la conservation des landes en Bretagne nécessite-t-elle un entretien spécifiquement adapté à leur biodiversité ?

Par Emmanuèle Savelli (OEB)
en collaboration avec Bernard Clément (UMR Ecobio)
Mise à jour : 06 septembre 2023
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1
paysages
patrimoine naturel
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Sommaire de l'article
Bruyères sur les landes de la réserve naturelle du Cragou

Paysages emblématiques de la Bretagne, les landes disparaissent pourtant progressivement. Cela s'accompagne d'une fragmentation des habitats et d'un recul des espèces qui ne trouvent pas, dans la région, d'autres milieux susceptibles de les accueillir. Avec les changements de pratiques agricoles, les landes mais aussi les espèces qui vivent exclusivement dans ces milieux sont aujourd'hui menacés en Bretagne.

Qu'est-ce qu'une lande ?

Des landes se développent naturellement sur les falaises littorales et les dunes en Bretagne car ce sont des milieux impropres à la pousse des arbres, en raison du vent. On les appelle des landes primaires. Elles se distinguent des landes continentales, dites secondaires, qui sont issues d'une déforestation plus ou moins ancienne par l'Homme. Composés d'arbrisseaux, les landes se développent sur des sols acides et pauvres, où dominent le pourpre des bruyères et l'or des ajoncs. Insectes et oiseaux font partie de leur faune discrète. 

Un petit changement peut suffire à déstabiliser les landes. Si elles restent soumises à des conditions physiques rudes (vents violents, sols peu profonds et pauvres) elles sont considérées comme stables. Les landes en conditions abritées et sur sols plus profonds sont en revanche susceptibles d'évoluer vers un stade pré-forestier (fourré) puis vers une formation boisée.

Comprendre l'histoire des landes en Bretagne et de leur entretien avec l'ouvrage " La Mémoire des landes ". Ce dernier présente également la flore et la faune de ce milieu naturel devenu rare dans la région.

Où peut-on voir des landes en Bretagne ?

Les landes les plus vastes sont dans les monts d'Arrée (environ 15 000 hectares) et sur le littoral (presqu'île de Crozon, cap Fréhel, cap d'Erquy, île de Groix, Belle-Ile-en-Mer, etc.). On trouve aussi des parcelles disséminées au milieu des cultures et boisements : landes de Lanvaux, de Paimpont, de Gouarec, du Mené, etc.

La superficie actuelle occupée par les landes en Bretagne est délicate à évaluer. Elle serait au maximum de l'ordre de 40 600 hectares.

Certains sites sont plus remarquables que d'autres. Par exemple, Locarn, Cragou ou Menez Hom (site classé en 2004) dans les terres (landes à bruyère ciliée, bruyère cendrée, callune, molinie, etc.) et Fréhel, Erquy (lande sèche rase à bruyère cendrée et ajonc d'Europe), Crozon (cap de la Chèvre, Point de Dinan - présence du Grémil couché), Groix, Belle-Ile-en-Mer (lande sèche à bruyère vagabonde et ajonc d'Europe dominant). 

Calcul de superficie sur la couche « Occupation du sol - résolution 30 m - pixel minimal 1 hectare » incluant des potentialités de landes (anciennes landes dégradées), OEB (2012).

photo Taouac'h, une vache nantaise qui entretient la lande du Cragou.

Crédit photo : Emmanuel Holder (Bretagne Vivante) | Taouac'h, une vache nantaise qui entretient la lande du Cragou.

Pourquoi la gestion d'une lande influe sur sa biodiversité ?

Tout en respectant la richesse biologique et la qualité des paysages offertes par les landes, il est parfois nécessaire d'entretenir les landes afin de prévenir le risque d'incendie. Cette gestion peut passer par des opérations de débroussaillement, de pâturage ou de reboisement selon les cas et nécessite alors d'impliquer les acteurs locaux.

La composition floristique des landes dépend de la nature du sol, du climat et de leurs modes de gestion. Le pâturage et le piétinement, par exemple, favorisent les diverses graminées (molinie, agrostide) au détriment des bruyères et des ajoncs. La fauche et l'exportation de la litière privilégient le maintien des landes rases à bruyères. Elle limite le développement des ajoncs, assurant leur plus grande diversité biologique.

La faune des landes, en particulier les insectes et les oiseaux, s’appuie sur des équilibres parfois complexes. Les espèces s’installent en fonction de la composition floristique et de la physionomie des landes. D'autres habitants comme certains oiseaux choisissent les landes parce que ce sont des milieux ouverts. La linotte mélodieuse et la fauvette pitchou, utilisent l'ajonc pour nicher le traquet pâtre, le busard cendré, le courlis cendré (qui nichent à terre dans la lande basse humide), trouvent également dans la lande une nourriture diversifiée. C'est le cas notamment d'un grand nombre d'invertébrés décomposeurs de la matière organique de la litière (larves de diptères), d'acariens, de collemboles, d'insectes floricoles, de punaises, de criquets, de sauterelles, d'araignées et d'insectes prédateurs.

Aller plus loin sur le terrain dans des réserves naturelles en Bretagne

Notre sélection documentaire pour préparer des visites permettant de découvrir des paysages de landes en Bretagne, leur flore et leur faune :

« L'azuré des mouillères offre un très bel exemple de la complexité des relations écologiques au sein des landes » (Bernard Clément, chercheur en écologie végétale à l'Université de Rennes 1) 

Image
Crédit photo : INPN | L'azuré des mouillères est un hôte des tourbières et des landes humides. Il naît dans une  fleur et grandit dans une fourmilière.
Crédit photo : INPN | L'azuré des mouillères est un hôte des tourbières et des landes humides. Il naît dans une fleur et grandit dans une fourmilière.

 

« Le cycle de vie de ce papillon est indissociable des landes tourbeuses. Ses chenilles vivent dans les fleurs de gentiane pneumonanthe et se nourrissent des graines en cours de formation, au cours des trois premiers stades de leur développement. Puis, elles tombent sur le sol et sont récupérées par des fourmis rouges du genre Myrmica, également liées aux landes tourbeuses, qui les emportent dans leur fourmilière comme le seraient leurs propres larves égarées à la surface du sol. Dans la fourmilière, les larves du papillon achèvent leur croissance en se faisant nourrir par les fourmis ouvrières. Les chenilles, quant à elles, produisent un miellat qui augmenterait la survie de leurs hôtes, en période de disette. Elles se transforment ensuite en chrysalides et émergent à la mi-juillet de l'année suivante. »

Pourquoi les landes régressent-elles en Bretagne ?

Les surfaces de landes ont beaucoup fluctué au cours des siècles passant par des épisodes d'extension (à l'aube de la Révolution, elles occupaient un million d'hectares en Bretagne) et de régression. La révolution fourragère s'est ainsi traduite par l'abandon progressif des landes, laissées libres d'évoluer vers le fourré forestier et de changer de communautés végétales et faunistiques. L'introduction de résineux adaptés, l'assèchement des zones humides ou encore les incendies ont, depuis le XIXe siècle, également contribué à leur régression. Tout comme le piétinement et le surpâturage car ils entraînent des changements de flore, pouvant aller jusqu'à la destruction totale de la végétation par endroits.

De cette régression des landes résulte une fragmentation des habitats et une diminution des espèces qui en sont très dépendantes (courlis cendré, busard cendré), et qui ne trouvent pas, en Bretagne, d'autres milieux susceptibles de les accueillir. L'abandon des usages agricoles favorise également le développement d'une végétation très inflammable qui, suite à une période sèche, est propice aux incendies.

photo agriculteurs fauchant les landes

Crédit photo : Emmanuel Holder (Bretagne Vivante) | Des agriculteurs fauchent les landes du vergam et du Cragou.

Comment les landes sont-elles protégéés, aujourd'hui ?

La plupart des landes sont considérées comme des zones spéciales de conservation et appartiennent de ce fait au réseau écologique européen Natura 2000, ainsi que les micro-habitats dépendants, telles les mares ou les affleurements rocheux inclus dans ces paysages. De nombreuses espèces sont également protégées à titre réglementaire pour leur valeur patrimoniale ce qui renforce le caractère remarquable de ces habitats, et ceci bien qu'ils soient reconnus comme milieux à faible richesse spécifique (c'est-à-dire ayant un faible nombre d'espèces par communauté).

Si les éléments remarquables de la flore sont plutôt bien connus, il n'en va pas toujours de même pour la faune. Contrairement à certaines espèces comme le courlis, les busards Saint-Martin et cendré, les connaissances restent à renforcer pour bon nombre d'espèces d'invertébrés inféodés à ces habitats, ou dépendants d'eux pour une partie de leur cycle de développement.

Que retenir ?

  • Il existe deux types de landes en Bretagne : celles qui se développent naturellement sur les falaises et les dunes (landes primaires) et celles qui se sont créées à la suite de pratiques agricoles. Toutes ont en commun de présenter une végétation d’arbrisseaux qui ont poussé sur des sols acides et pauvres.

  • En 2012, les landes occupaient 2 % des sols bretons et avaient tendance à régresser. Les plus vastes se trouvent dans les monts d'Arrée et le long du littoral.

  • Les modes de gestion des landes ont un impact sur la flore qui y pousse et sur les cortèges d’animaux (en particulier les insectes et les oiseaux) qui en dépendent. Les relations entre les espèces peuvent s’appuie parfois sur des équilibres complexes.

  • Les surfaces de landes ont grandement fluctué au cours des siècles (à l'aube de la Révolution, elles occupaient 1  million d'hectares en Bretagne). L’abandon progressif des landes comme source de fourrage explique le recul des landes secondaires, directement liées aux pratiques agricoles.

  • Le recul des landes s’accompagne de la fragmentation des habitats et de la diminution des populations d’espèces qui en sont très dépendantes en Bretagne.

  • La plupart des landes bretonnes sont protégées par le réseau écologique européen Natura 2000. De même de nombreuses espèces vivant dans les landes sont protégées en tant que patrimoine naturel.

  • Si la flore remarquable des landes est bien connue, il reste encore beaucoup à découvrir sur les animaux qui fréquentent les landes, en particulier sur bon nombre d'espèces d'invertébrés.

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