Des cultures au milieu naturel : comment les pesticides se dispersent dans l'environnement en Bretagne ?

Par Élodie Bardon (OEB) Geoffrey Le Page (OEB)
en collaboration avec Nicole Baran (BRGM) Claire Froger (INRAE) Damien Gabion (AELB)
Mise à jour : 18 novembre 2020
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Photo paysage breton

Dès leur application, les substances actives des produits phytosanitaires interagissent avec l’air, le sol et l’eau, où elles subissent des processus de rétention, dégradation et transfert. Leur persistance dans l’environnement peut varier de quelques heures à plusieurs années, et certaines se retrouvent dans la chaîne alimentaire. Les pratiques agricoles et les spécificités du sol breton ont une influence sur le parcours de ces substances dans l’environnement.

Après avoir été appliquées sur les surfaces cultivées, les substances actives contenues dans les produits phytosanitaires se dispersent et contaminent les sols, les eaux de surface et souterraines, les sédiments, la flore, la faune et l'atmosphère. Cette dispersion s’opère selon plusieurs mécanismes tels que l'infiltration, le ruissellement, l'érosion, la volatilisation, etc. La rapidité de la dispersion d’un produit dans l’environnement dépend des caractéristiques produit (volatilité, solubilité, etc.), mais aussi de la façon dont il est utilisé et du stade de développement de la végétation traitée. Par exemple, les herbicides appliqués sur des cultures encore peu développées, et donc sur une terre peu recouverte par le feuillage, sont sensibles au ruissellement et à l’infiltration dans le sol.

Des traitements au pulvérisateur

Dans les exploitations agricoles bretonnes comme pour les autres régions, la pulvérisation est le mode de traitement le plus fréquent. Cette méthode ne permet pas toujours de viser précisément la surface ciblée. Selon le stade de développement des cultures traitées, la déperdition des produits pulvérisés est de l’ordre de 10 à 70 % vers le sol et 30 à 50 % vers l'air [source 1]. La contamination de l’air dépend de la volatilité du produit pulvérisé, mais aussi de la technique de pulvérisation (usage ou non de buses antidérive par exemple) et du respect des règles d'application (interdite par fort vent). Au-delà de l’intensité des traitements et du respect des règles d'application, les conditions agronomiques (pratiques agricoles, couvert végétal), le terrain (nature des sols, proximité des cours d’eau, profondeur des nappes), ainsi que les conditions météorologiques (précipitations, vent, température) pendant et après l’application ont un impact très fort sur cette déperdition [2]. Lors de l’application, le vent peut disperser les produits avant qu’ils ne se fixent sur leur cible ou au sol. Plus tard, les produits peuvent se disperser à partir des surfaces traitées (végétaux, sols, etc.).

 

92 % des exploitations bretonnes utilisent un pulvérisateur [3]

 

photo : tracteur pulvérisant des pesticides sur champ

© Chambre régionale d'agriculture de Bretagne | Les traitements phytosanitaires par pulvérisation sont très répandus.

Le sol, premier réceptacle des pesticides

Quel que soit le type de traitement, c’est le sol qui in fine reçoit, directement (traitement sous forme d’épandages de granulés) ou indirectement (dépôt au sol après pulvérisation), une grande part des produits utilisés. Le caractère contaminant d’une substance active contenue dans un produit dépend de la capacité du sol à la retenir et surtout à la dégrader avant que, sous l’effet de l’eau, elle ne soit dispersée dans l’environnement. Dans le sol, les substances se déplacent selon les circulations d’eau et les activités biologiques (par exemple l’absorption par les racines des plantes, ou le brassage du sol par la faune du sol), et subissent différents phénomènes : l’adsorption qui les immobilise dans le sol et augmente leur persistance, la désorption qui les libère dans le sol et l'eau présente qui s'y trouve (rendant alors la substance mobile), et enfin la dégradation, complète ou non, par des micro-organismes.

La mobilité d’une substance dans le sol dépend d’abord de ses propriétés physiques et chimiques. Par exemple, une substance peu soluble dans l'eau subira une rétention plus forte par la matière organique du sol ou les argiles. En effet, les sols possédant un taux de matière organique élevé (organismes vivants et morts, et matières en voie de décomposition) ou les sols argileux auront tendance à retenir des substances. En Bretagne, les sols sont globalement riches en matière organique, ceux qui sont cultivés atteignent des taux de 2,5 % à 10 % en surface. Mais cette richesse est hétérogène à l’échelle régionale : elle diminue globalement en allant vers le nord-est.


Les sols argileux, aux textures fines, contribuent aussi à la rétention de certaines substances en les fixant entre les feuillets d'argiles.

Dispersion vers les eaux de surface

Les substances sont majoritairement transférées vers les eaux de surface par ruissellement. Le risque de contamination est maximal lors des fortes pluies qui se produisent peu de temps après l'application des traitements. Le transport particulaire observé lors des phénomènes d’érosion et de l’évacuation par les réseaux de drainage concerne principalement les substances pas ou peu solubles dans l’eau [3].
La contamination des eaux de surface est très dépendante des chemins que l’eau emprunte sur la parcelle. Le délai entre l’application des produits et les premiers mouvements d’eau sur et dans le sol (ruissellement ou infiltration) est également déterminant. L’interaction nappes/rivières peut aussi être une voie de contamination [4]. En effet, sans en être la voie majoritaire, le transfert de polluants de l’eau souterraine vers l’eau de surface peut être localement important en Bretagne, les nappes pouvant alors contribuer significativement au débit des cours d’eau en surface.


Indépendamment des différentes intensités des traitements qui y sont pratiqués, le territoire breton est plus ou moins vulnérable au transfert de produits phytosanitaires dans les eaux de surface. La méthode Arpeges (Analyse du risque pesticides pour la gestion des eaux de surface) évalue cette vulnérabilité [5]. Cette dernière est hétérogène à l'échelle régionale et apparaît plus élevée en Ille-et-Vilaine ainsi qu'en Finistère Nord.

Une infiltration jusqu'aux eaux souterraines

Le transfert des substances actives issues des produits phytosanitaires vers les eaux souterraines se fait par infiltration. Le risque de contamination est notamment lié aux caractéristiques naturelles du territoires (nature du sol et conditions météorologiques), mais aussi aux propriétés physico-chimiques des substances [3]. En Bretagne, ce phénomène d’infiltration est très contrasté et peut atteindre localement des niveaux élevés.


Un parcours qui dégrade les substances

Dans l’environnement, les substances actives se dégradent via différents processus. Dans le sol, la biodégradation est la voie de dégradation majeure. Elle implique principalement les micro-organismes (bactéries, champignons, microflore, etc.). D'autres mécanismes de dégradation, chimiques cette fois, impliquent notamment l'eau (hydrolyse) ou la lumière (photolyse). Ces processus peuvent conduire à une dégradation totale des substances (appelée minéralisation), ils sont alors les principaux facteurs de dépollution de l’environnement. La dégradation peut également être partielle et générer des produits intermédiaires de dégradation, appelés métabolites ou résidus [6].

Ces métabolites ont des propriétés physiques et chimiques différentes de celles de la substance mère, et donc un comportement différent dans l’environnement. Ils peuvent également s'avérer plus toxiques et plus persistants que la substance mère. Plusieurs métabolites peuvent être générés à partir d’une même substance active. Inversement, un même métabolite peut être généré à partir de différentes substances actives.

La persistance d’une substance active ou de ses métabolites dans le milieu est très variable, de quelques heures à plusieurs années. Durant leur parcours dans l'air, le sol et l'eau, les substances actives et leurs métabolites contaminent la flore et la faune, s'accumulant ainsi tout au long de la chaîne alimentaire. Les derniers maillons de cette chaîne, c’est-à-dire les prédateurs, dont l’humain, peuvent potentiellement être contaminés par des doses concentrées de substances par effet de bioaccumulation.

Mieux comprendre

Retrouvez des articles proposant une analyse de la contamination par les pesticides de l'air, des sols et de l'eau :

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Emmanuèle Savelli
Cheffe du pôle communication
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Timothée Besse
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