Le bois-énergie dans les paysages bretons : ouvrir les perspectives

Par Caroline Guittet (OEB)
Mise à jour : 08 avril 2020
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En Bretagne, la biomasse disponible pour un usage en bois-énergie se traduit par une variété de formes ‑ surfaces boisées, haies agricoles, ripisylves, bandes tampons, bords de route, roselières. Mobiliser davantage de ressources à des fins énergétiques peut affecter ces formes paysagères et in fine le cadre de vie des Bretons. Plusieurs outils permettent de définir collectivement ces impacts : les plans de paysage et surtout la charte forestière de territoire.

Bois énergie et paysage : quels liens ?

Défini par la Convention européenne du paysage [1], le paysage est « une partie de territoire telle que perçue par les populations ». Tant matériel que social, le paysage est accessible à tous en donnant à voir les dynamiques territoriales à l’œuvre. Valoriser le bois énergie en circuit court participe à la fabrique de nouveaux paysages énergétiques en transition [2]. Ces paysages de transition se traduisent par des nouvelles pratiques sociales qui induisent des transformations environnementales.

Exploiter le bois énergie implique une double entrée paysagère : (i) le paysage comme support de réflexion pour exploiter durablement la biomasse locale ; (ii) le paysage comme outil pour fédérer les acteurs du projet bois-énergie.

[1] Pour en savoir plus sur la Convention européenne du paysage
[2] Des travaux sont disponibles sur la thématique « énergie et paysage en transition »

Le défi de la forêt : régénération du bois mais pas seulement

La forêt remplit trois fonctions principales : écologique, économique et sociale [3]. Exploiter le bois-énergie à l’échelle locale nécessite à une prise en compte de ces différents paramètres. Pour rendre durable l’exploitation du bois, il faut assurer le renouvellement de la ressource en tentant compte de la multifonctionnalité forestière : « la richesse écologique (la biodiversité, la fonctionnalité des écosystèmes (le cycle de l’eau, les sols), ainsi que l’usage culturel et social (récréation) » [4].

Face à ce défi et, dans une perspective de développement durable, la Charte forestière de territoire [5] peut être un levier pour exploiter consciemment le bois-énergie. Pour exemple, la charte  « Pour des paysages choisis » du Parc naturel régional d'Armorique propose une orientation forestière. En effet, depuis 2012, une vingtaine d'organisations représentatives de la forêt et de filière bois se sont impliquées dans l’élaboration de une Charte forestière du territoire. Le projet en cours de finalisation est construit autour de 4 enjeux conformes aux objectifs du parc : 1. Pérenniser et renforcer les ressources forestières ; 2. Contribuer au développement des filières territoriales valorisant le bois local ; 3. Prendre en compte les données de l’environnement et du paysage ; 4. Assurer une mise en œuvre partenariale, s’appuyant sur la concertation mutuelle, la formation des acteurs et l’information du public.

In fine, prendre en compte le paysage, c’est intégrer les dynamiques naturelles et la dimension sociale de la forêt.

[3]-[4] Propos issus des travaux du PNR des Vosges du Nord
[5] Mieux comprendre la Charte forestière de territoire

Agroforesterie intégrée : vaches, haies, miscanthus ?

Les paysages ruraux ont de forts potentiels énergétiques. L’agroforesterie intégrée consiste à associer arbres, cultures et animaux sur une même parcelle agricole. Cette ancienne/nouvelle pratique permet d’augmenter la surface en bois tout en préservant une activité d’élevage. Aussi, les haies agricoles sont des atouts agronomiques (lutte contre l’érosion des sols, ombrage pour les animaux, etc.).

Aux côtés des cultures fourragères bretonnes, le miscanthus [6] va peut-être voir le jour en Bretagne. Il s’agit d’une graminée rhizomateuse qui a un potentiel biomasse important. L’agroforesterie intégrée modifierait en profondeur les paysages bretons avec des variations saisonnières importantes : lors de la coupe des haies où les paysages seraient alors ouverts, lorsque le miscanthus atteindrait son paroxysme soit 4 mètres de hauteur, le paysage serait alors fermé, etc.

[6] Découvrir le miscanthus

Photo arbres

La taille des arbres en ragosse est une pratique ancienne qui s’observe encore dans les paysages bretons, donnant une impression agroforestière aux paysages lorsque les parcelles n’ont pas subi de remembrement. Crédit photo : Guillaume Bonnel, 2019, Observatoire Photographique du Paysage porté par le Département et la Direction Départementale de la Terre et de la Mer d'Ille-et-Vilaine

Le paysage comme liant des acteurs engagés dans le bois énergie

Au regard de la variété des formes paysagères, et donc de l’usage de la biomasse potentielle, une diversité d’acteurs locaux sont concernés par cette ressource. Le paysage a un rôle de régulateur social pour fédérer les acteurs autour de la valorisation énergétique du bois. En effet, élus locaux, techniciens des collectivités locales, agriculteurs, forestiers, entrepreneurs locaux (CUMA, etc.), associations citoyennes, services de l’État sont impliqués dans cette démarche. Toutefois, chaque acteur a ses propres pratiques en lien à des valeurs spécifiques.

Aborder le bois-énergie par le paysage permet d’analyser l’impact des différentes pratiques sur les paysages [7]. Outil de médiation, le paysage fait émerger des valeurs et problématiques communes. Le plan de paysage, qui définit les objectifs de qualité paysagère sur le territoire, peut être un outil mobilisateur pour travailler collectivement sur la ressource. Il s’agit, de la sorte, de co-construire une filière bois-énergie en cohérence avec les dynamiques environnementales et les attentes sociales dans une perspective d’économie locale.  

[7] En savoir plus sur le paysage comme outil de médiation

photo Caroline-Guittet
Caroline Guittet
Cheffe de projet Paysages
Pôle nature & paysages
02 99 35 84 86