Comment des citoyens en Bretagne aident les chercheurs de la station marine de Concarneau à comprendre le fonctionnement écologique des laisses de mer ?

Par Emilie Novince (OEB)
en collaboration avec Pauline POISSON (MNHN)
Mise à jour : 06 octobre 2020
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mer et littoral
Organismes associés
Réalisation du protocole ALAMER par une classe de CM1-CM2

Avec le programme de sciences participatives « Plages vivantes », une simple balade en bord de mer de monsieur ou madame Tout-le-monde peut devenir une précieuse source d'informations scientifiques. Des informations intéressant les chercheurs de la station marine de Concarneau qui travaillent pour le Muséum national d’Histoire naturelle et qui souhaitent comprendre les évolutions de la biodiversité du littoral et mieux la préserver. Pour cela, ils étudient la laisse de mer qui se dépose sur les hauts de plages après chaque flux et reflux de la marée et qui forme un habitat pour de nombreuses espèces de la faune et de la flore.

Qu’est-ce que la laisse de mer et pourquoi intéresse-t-elle les scientifiques ?

La laisse de mer, c’est « ce qui est laissé par la mer » au gré des marées. Cet enchevêtrement de débris naturels (algues, coquillages, bois mort, os de seiche, etc.) et de déchets liés aux activités humaines (filets, cordages, plastiques, verre, etc.) constitue un écosystème très dynamique et forme un habitat accueillant à la fois des espèces marines et terrestres

Elle est à la base d'une chaîne alimentaire diversifiée. Elle est d’abord colonisée puis décomposée par une faune spécialisée (bactéries, invertébrés), servant elle-même de garde-manger pour certaines espèces d’oiseaux (pipit maritime, tournepierre à collier, etc.) et de poissons du littoral (bar, etc.), voire pour d’autres invertébrés prédateurs (grande nébrie des sables). Le fruit de cette décomposition permet l’assimilation d'éléments nutritifs dans le sédiment servant alors « d’engrais » naturel pour les premières plantes qui poussent en haut de plage (roquette de mer, chou marin, etc.). La laisse de mer contribue ainsi à la stabilisation du trait de côte. De façon directe, la présence d’un amas d’algues et d’autres débris naturels piègent les grains de sable apportés par le vent. Et de manière indirecte, les plantes pionnières sur le haut des plages, grâce à leur système racinaire profond, stabilisent le sable.

Crédit photo : Pauline Poisson (MNHN) | Laisse de mer

Crédit photo : Pauline Poisson (MNHN) | Laisse de mer

En quoi consiste le programme « Plages vivantes » ?

C'est un programme de recherche interdisciplinaire et multiacteurs, construit autour d’un observatoire participatif de la biodiversité des hauts de plages, en lien avec la laisse de mer et les organismes vivants qui la composent. Des universitaires, des structures d’éducation à l’environnement et l'éducation nationale se sont associés pour d’élaborer des protocoles de suivis accessibles à tous sur les algues, les oiseaux, les invertébrés et les plantes pionnières liées à la laisse de mer. En 2019, le programme a commencé à être déployé sur le littoral de la Manche - Mer du Nord et de l’Atlantique et, pour seulement avec le protocole d’observation des « Algues liées à la laisse de mer » (ALAMER), même si d’autres protocoles (Oiseaux, Plantes du haut de plage et Invertébrés) sont en phase de test, d’élaboration ou de réflexion.

Par le biais de ce programme, les scientifiques espèrent mesurer les impacts du changement climatique et ceux liés aux activités humaines sur le littoral (ramassage mécanique, pollutions, etc.).  Le but étant à la fois de mieux connaître cet écosystème en faisant appel aux citoyens pour récolter des données sur la biodiversité, mais aussi de mieux le préserver en sensibilisant les participants à ses enjeux de conservation.

Consulter le site Web Plages Vivantes

Qu'est-ce que l'observation des algues marines peut nous apprendre ?

Les laisses de mer sont constituées en grande partie d’algues marines échouées. Certaines de ces algues appartiennent à des espèces communes sur tout le littoral de la Manche et de l’Atlantique. D’autres ont des zones géographiques de répartition parfois limitées mais bien définies. Alors que d’autres encore sont arrivées plus récemment sur nos côtes et vont potentiellement être amenées à s’y déployer davantage. En fonction de leur écologie, certaines de ces algues peuvent également indiquer de l’état du milieu marin. Avec le changement climatique  et l’eutrophisation des eaux, la composition en algues des habitats marins change et donc la composition des laisses de mer aussi. Les usages des plages et les pratiques de gestion (le nettoyage mécanique des plages, par exemple) évoluent et peuvent affecter la conservation d’espèces emblématiques ou vulnérables associées à ces laisses.

Eutrophisation des eaux : c’est-à-dire quand il y a trop d'éléments nutritifs - azote, phosphore - dans le milieu aquatique

« Une des espèces emblématiques des laisses de mer est le gravelot à collier interrompu, petit oiseau qui nidifie au niveau des vieilles laisses de mer du haut de plage. D’avril à juillet, les couples se forment, les nids sont couvés et les poussins sont élevés, avant de partir en migration à l’automne. Le dérangement, le piétinement des nids, les attaques de chiens sur les poussins et le passage d’engins mécaniques peuvent entraîner la perte de la couvée. On peut également citer des espèces végétales comme le chou marin (crambe maritima) ou la roquette de mer (cakile maritima), qui se développent sur le haut des plages et sont soumises au piétinement des usagers des plages ou à l’écrasement voire l’arrachage dû au passage d’engins mécaniques. » - Pauline Poisson, coordinatrice de l’observatoire Plages Vivantes au Muséum national d’Histoire naturelle (Station marine de Concarneau)

Cliquer sur l'image pour visionner le diaporama et découvrir quelques hôtes de la laisse de mer en Bretagne

Qui porte ce programme de science participative ?

C'est la station marine de Concarneau - pour le Muséum national d’Histoire naturelle - qui est à la manœuvre du côté scientifique avec des chercheurs croisant l'étude de l’écologie et des sciences de la conservation avec l'étude des humanités environnementales. L'objectif est double : d'une part, mieux comprendre l’évolution de la biodiversité associée aux laisses de mer dans le contexte de changements globaux (climatique-impact des activités humaines) et, d'autre part, mieux comprendre les mécanismes de gestion, d’appropriation et de perception du littoral par les différentes catégories d’acteurs (usagers du littoral, décideurs, etc.).

De nombreux partenaires scientifiques et techniques contribuent au programme « Plages Vivantes » en s'appuyant sur des outils d’animation, de participation et de restitution spécifiques à chacun des protocoles, tout en les adaptant aux différents publics ciblés et aux zones biogéographiques étudiées. Enfin, ce programme participatif repose sur l’implication d’un réseau d'acteurs-relais en cours de déploiement, qui fait le lien avec le public et les participants. En Bretagne, il s'agit notamment du Réseau d’éducation à l’environnement en Bretagne, des associations Bretagne Vivante et Les Glénans (co-construction et animation du protocole ALAMER) et de la structure Esprit Nat'Ure.

Une journée d’échanges et d’information dédiée au programme Plages Vivantes et au protocole ALAMER a été co-organisée par le REEB le 11 février 2020. Consulter le détail de cette journée.

« Dans quelle mesure les espèces d’algues de la laisse de mer sont-elles différentes d’une plage à l’autre ou au cours des saisons ? Reflètent-elles la composition en algues des habitats marins à proximité ? etc. sont parmi les premières questions auxquelles les scientifiques souhaitent répondre. » - Pauline Poisson (Station marine de Concarneau)

Comment participer ?

Le protocole ALAMER (pour « Algues de la LAisse de MER » ) propose d’observer, de recenser et de quantifier une quarantaine d'espèces ou groupes d'espèces présents dans 1 m² de laisse de mer avant de transmettre les observations aux chercheurs. Il cible les scolaires à partir de 9 ans (cycle 3) mais aussi plus largement le grand public, via notamment l’intermédiaire des animateurs d’associations-relais sur le littoral comme Bretagne Vivante, Les Glénans ou Planète Mer. En outre, des participants volontaires d’horizons divers (usagers des plages, naturalistes, gestionnaires d’espaces, etc.) viennent se prêter à l’observation des laisses de mer.

Consulter et télécharger le protocole ALAMER  pour participer à l’observation des algues de la laisse de mer.

Crédit photo : Alexandre Hinque (MNHN) | Tri des algues dans le quadrat - Protocole ALAMER

Crédit photo : Alexandre Hinque (MNHN) | Tri des algues dans le quadrat - Protocole ALAMER

640 opérations d’observation des algues de la laisse de mer ont d’ores et déjà étaient réalisées sur l’ensemble du littoral breton. La majorité d’entre elles ont été menées par les acteurs scientifiques pour la structuration des protocoles de suivi. 39 observations citoyennes ont été réalisées par des scolaires et 18 par le grand public. Un début prometteur pour un programme qui devrait prendre de l'ampleur dans les années à venir.

Que retenir ?

  • La laisse de mer est un dépôt en haut de plage, mêlant débris naturels et déchets d’activités humaines. Elle sert d’habitat naturel pour des espèces marines et terrestres, et contribue à stabiliser les dunes.

  • La station biologique de Concarneau anime, pour le Muséum national d’Histoire naturelle, le programme de sciences participatives « Plages vivantes » qui proposera plusieurs protocoles afin de mieux connaître et préserver les laisses de mer.

  • Ce programme s’appuie sur un réseau d’acteurs-relais associatifs pour les actions au contact du public et des participants. Il a été lancé en 2019 sur tout le littoral de la Manche et de l’Atlantique.

  • Le protocole ALAMER (pour « Algues de la LAisse de MER ») propose à des scolaires à partir de 9 ans mais aussi au grand public d’observer des algues marines.

phot emilie novince
Émilie Novince
Webmestre éditorial
Pôle communication
02 99 35 45 85

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